Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
Julianna au salon.
    — Je suis content de voir que tu remontes la pente, Julianna, dit-il après
     avoir pris place dans un des fauteuils. Tu étais si dévastée aux funérailles de
     Zoel.
    — Ça été un dur moment… Mon fils était en santé, jeune, plein de rêves. Sans
     prévenir, un coup de sabot et c’est fini. C’est pas facile à accepter…
    — « La mort viendra comme un voleur… » C’est vrai et c’est si cruel en même
     temps.
    — Ah, monsieur le curé, vous nous avez toujours été si précieux… Merci pour
     Hélène.
    Julianna hésita.
    — Georges n’a pas été tendre avec elle hier soir.
    — Je ne connais pas un père qui sauterait de joie, il faut l’admettre, dit le
     curé.
    — Vous croyez que c’est une erreur, ce mariage ?
    — Je ne sais pas, Julianna, je ne sais pas… Qui sommes-nous pour juger de la
     valeur d’un homme sur ses origines ? Ce Simon a le cœur à la bonne place, mieux
     que bien des jeunes gens de par ici.
    — L’avenir d’Hélène m’inquiète beaucoup...

    — J’en reviens pas, Mélanie, notre avenir est assuré astheure !
    La lettre entre les mains, Pierre jubilait. Acceptant l’offre d’Hélène de
     s’occuper du souper, Mélanie s’était retirée dans sa chambre pour s’allonger un
     peu. Elle manquait terriblement de sommeil. À Normandin, elle n’avait pas fermé
     l’œil de la nuit, attendant avec anxiété le coup de téléphone deJean-Marie lui annonçant la naissance de Daniel. Elle venait à peine de
     s’assoupir quand Pierre avait fait irruption dans la pièce, tout énervé.
    — T’es certain que t’as bien lu ? demanda Mélanie, n’osant se réjouir trop à
     l’avance.
    — Avant de mourir, Miss Harrington a pensé à tout. Elle a réussi à vendre ses
     tableaux aux agates à une galerie américaine. Elle nous donne tout cet argent, à
     nous, à cause de Timmy. Elle dit d’en faire ce qu’on veut.
    — C’est quand même pas une fortune ! le ramena sur terre Mélanie.
    — Pour nous, cela représente un moyen bon coup de pouce.
    — C’est pas croyable... dit Mélanie.
    — Ça pouvait pas tomber mieux. Jean-Baptiste a pas de contrat avant le
     printemps… D’ici là, j’vas pouvoir être plus sécure.
    — On va pouvoir avoir notre maison ?
    — Oui, Mélanie, oui !
    Pierre jeta la lettre dans les airs. Enlaçant sa femme, il la fit virevolter
     entre ses bras. En riant, Mélanie s’exclama :
    — Pierre, lâche-moi !
    Au lieu de l’écouter, Pierre se mit à l’embrasser. Entre chaque petit baiser,
     il lui promit mer et monde.
    — T’auras une maison, des meubles, des vêtements, tout, tout ce que tu
     veux !

    — J’ai honte de l’avouer, confia Julianna, mais ce n’est pas ce que j’aurais
     voulu pour Hélène. Un Indien à la langue coupée…
    — Dans ma paroisse à Arvida, il y a un abbé, l’abbé Borovitch.
     Il a la langue coupée lui aussi. Il vient de Pologne. On l’aurait torturé.
    — Quelle horreur !
    — Il y a des pays où l’on a peine à imaginer la réalité.
    — Cet abbé se débrouille comment ? le questionna Julianna.
    — Il réussit à parler, mais je pense que personne ne comprend ce qu’il raconte.
     Pourtant, nos paroissiens n’ont pas l’air de se plaindre. Alors, ne t’en fais
     pas trop pour Hélène.
    — C’est vrai que Chapeau n’est pas sourd comme Léo. J’ai tendance à les mettre
     dans le même panier.
    — Léo, comment va-t-il ?
    — Ah, mais il s’est fiancé à Noël !
    — Léo ? Non ! s’étonna le curé.
    — Oui, avec une des filles de monsieur Allard de Jonquière. Le mariage est
     prévu pour cet été.
    — Eh bien...
    — Ce n’est pas tout. Brigitte est sourde et muette comme lui. Elle n’a pas eu
     la chance de recevoir de l’éducation. D’avoir été à l’école des sourds de
     Montréal fait toute une différence. Cela aussi, on vous le doit, monsieur le
     curé.
    — Je le revois, petit garçon à Saint-Ambroise. Il nous regardait avec ses beaux
     yeux intelligents. J’ai l’impression que c’était hier.
    — Sa fiancée ne connaît rien ! Pas de langage des signes, elle sait encore
     moins lire et écrire ! C’est d’une tristesse. Léo lui donne des leçons.
    — Léo qui se marie… Excuse ma curiosité, Julianna, mais… s’ils ont des
     enfants ?
    — La famille de Brigitte et nous, on avait plein de questions
     aussi. La communauté des sourds nous

Weitere Kostenlose Bücher