Au pied de l'oubli
finir par le
savoir.
— Savoir quoi ?
— Simon Siméon, c’est Chapeau, murmura Hélène.
— Je suis pas certain de comprendre moi là, là…
— Simon Siméon, c’est le vrai nom de Chapeau… dit Julianna.
— Le Sauvage ? Celui qui traîne autour du chalet d’Henry ? Ah ben, tabarnac !
sacra Georges, le visage rouge de colère.
— Georges ! s’offusqua Henriette devant un tel écart de langage.
— Quand la malédiction te colle au cul… continua-t-il.
— Papa, si vous le connaissiez mieux, vous…
— Un Sauvage ! T’as perdu tout bon sens ou quoi ?
— Calmez-vous, Georges, je vous en prie, l’implora Henriette.
— Je vous jure, papa, que Chapeau est...
— Tais-toi, ordonna-t-il à sa fille. Tu penses pas deux secondes que j’vas
accepter ce… ce… jamais !
Hélène releva le menton, le regard déterminé.
— C’est un bon garçon, essaya de plaider Julianna. Je le connais depuis
longtemps. Je l’ai même hébergé à Saint-Ambroise.
— Toi, t’es pas mieux ! dit-il en se tournant vers sa sœur. Je gage que c’est
toi qui lui as mis cette idée de fou dans la tête !
— Voyons, Georges, j’étais pas au courant. J’ai été aussi surprise que
toi !
— Matante Julianna a rien à voir là-dedans.
— Elle était supposée te surveiller !
— J’aime Simon, papa ! Depuis le tout début, quand j’ai commencé à lui montrer
le langage des signes…
— Un p’tit couple d’infirmes ! railla Georges. Vous êtes bien assortis, en tout
cas.
— Georges Gagné, tu dépasses les bornes ! s’écria Julianna en se levant.
Hélène fondit en larmes. Julianna la prit dans ses bras.
— Traiter ta propre fille d’infirme ! C’est à peine si elle boîte un peu, à
cause de la polio !
En furie, Georges ignora sa sœur et continua d’invectiver Hélène.
— Comment ça se fait que t’as passé du temps avec ce Sauvage ? T’as pas su
tenir ta place ou quoi ? Tu t’es épivardéedans les bois, c’est
ça ? Dis pas le contraire, je t’ai vue cet été, au chalet d’Henry. Au gâteau,
t’es disparue avec lui !
— Arrête d’en rajouter, Georges, soupira Julianna. Écoute, moi non plus j’étais
pas d’accord quand elle me l’a dit cet après-midi… Qu’est-ce que tu veux qu’on
fasse ? Ils sont amoureux.
L’accès de colère de Georges fit place à un profond découragement. Il se laissa
tomber dans un des fauteuils. Les yeux dans le vide, il secouait la tête de
gauche à droite, refusant de croire ce qu’il venait d’entendre. Il était
incapable de faire face à cette situation. Lui qui avait tenu de beaux discours
de pardon, lui qu’on avait applaudi devant la réalisation d’une autre étape des
A.A., lui, ce repenti, n’avait que l’envie de crier, de frapper, d’insulter, de
maudire… et de boire… Pendant un instant, il s’était vu au bras de sa fille,
jolie dans sa robe blanche, la donnant à son futur gendre… Il aurait vraiment
réussi à vaincre ses démons. Hélène lui avait fait miroiter la chance de se
racheter, de revêtir l’habit honorable du père de la mariée. Il se sentait
trahi…
— Sortez de ma maison, murmura-t-il.
— Quoi ? fit Julianna incrédule. Voyons, Georges, il y a plein de choses à
régler.
Il haussa le ton.
— J’ai dit de sortir.
Le bras passé autour des épaules de sa nièce, Julianna tressaillit.
— Pis Hélène ?
— Qu’elle fasse ce qu’elle voudra, je m’en sacre. Qu’elle compte pas sur moi… Y
a une limite à ce que je peux endurer.
— Tu peux pas juste lui tourner le dos de même ! s’indigna Julianna.
— J’m’en lave les mains. Qu’elle le marie, son Sauvage, pis
qu’elle aille s’enfermer à Pointe-Bleue. Elle dansera avec des plumes pis elle
fera des raquettes.
— Tu sais quoi, Georges Gagné ? Même le plus grand des malheurs n’excuse pas ce
que tu es devenu... Viens, Hélène, allons-nous-en.
Les deux femmes se levèrent. Hélène redressa la tête. Elle trouva le courage
d’affronter son père. Elle était de la trempe des survivantes.
— De toute façon, lui dit-elle d’un air dur, dans le fond, j’ai jamais eu de
père. Je sais pas à quoi j’ai pensé en venant ici. Ça se fait pas, d’inviter des
étrangers à son mariage.
Le lendemain, Pierre et Mélanie revinrent de Normandin avec une bonne nouvelle.
Jeanne-Ida avait
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