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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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impitoyable.
    Et le général Marceau lui-même qui a sauvé une jeune femme, Angélique
des Melliers, et lui a fourni une attestation censée la protéger, ne peut empêcher
qu’elle soit guillotinée.
    Et la guerre n’est pas terminée.
    Carrier rappelé à Paris, la Terreur est appliquée par le
général Turreau de Linières, qui remplace Marceau. Il crée douze « colonnes
infernales » qui font de cette Vendée « un monceau de cendres arrosé
de sang ».
    Aux Lucs-sur-Boulogne, les Bleus du général Cordellier
massacrent au moins cinq cents personnes dont plus de cent enfants.
    Peut-être cent vingt mille morts sont-ils tombés dans cette
guerre atroce, dont à Paris on ne soupçonne pas la cruauté. D’ailleurs on veut
vaincre à tout prix même en décimant le peuple.
     
    Danton et Camille Desmoulins, sans connaître les détails de
cet « égorgement » d’une population, d’une province, ont l’intuition
qu’il faut en finir avec la Terreur.
    À la tribune de la Convention, Danton déclare :
    « Il est un terme à tout. Je demande qu’on pose la
barrière… Le peuple veut et il a raison que la Terreur soit à l’ordre du jour
mais il ne veut pas que celui qui n’a pas reçu de la nature une grande force d’énergie,
non, le peuple ne veut pas qu’il tremble… Nous n’avons pas voulu anéantir le
règne de la superstition pour établir le règne de l’athéisme. »
    Mais Danton mesure aussitôt la réprobation, la haine que ces
propos, cette « indulgence » qu’il suggère prudemment encore, suscitent.
     
    Au club des Jacobins, le 13 frimaire (3 décembre), ceux qui
vénèrent Marat, invoquent les vertus et les actions de l’Ami du peuple, les
partisans d’Hébert, et ceux, plus dissimulés, des
    Enragés, l’attaquent avec violence. Ils se sentent
stigmatisés par Danton, qui vient d’ajouter :
    « Tout homme qui se fait ultra-révolutionnaire donnera
des résultats aussi dangereux que pourrait le faire le contre-révolutionnaire
décidé. »
    Et entre les deux groupes il y a les « bons
révolutionnaires », dont Danton se réclame.
     
    Danton imagine ainsi satisfaire Robespierre, sans se rendre
compte que pour l’incorruptible, il y a, outre les ultra-révolutionnaires, et
les contre-révolutionnaires, les « contre-révolutionnaires » ou Modérés et Indulgents, dans lesquels Maximilien classe Danton et Desmoulins, alors
que lui-même et les membres des Comités sont les « purs »
révolutionnaires. Et bientôt ces « purs » devront « épurer »
tous les autres, les Indulgents confondus avec les ultras !
     
    Mais pour l’heure, Danton répond avec vigueur à ceux des
hébertistes qui l’attaquent, écrasant de sa forte voix les murmures et les
huées :
    « Ai-je donc perdu ces traits qui caractérisent la
figure d’un homme libre ? crie-t-il. Ne suis-je plus ce même homme qui s’est
trouvé à vos côtés dans les moments de crise ? »
    On tente de l’interrompre.
    On l’accuse de corruption, d’amitié avec ces conventionnels
compromis dans les « affaires », où ils côtoient des « aristocrates »
suspects, comme le baron de Batz.
    Celui-ci, le jour de l’exécution de Louis XVI, a tenté de
soulever la foule tout au long du trajet du condamné vers la place de la
Révolution.
    Il y a aussi dans l’entourage de Danton ces étrangers de
plus en plus suspects, Anacharsis Cloots ou le Belge Proly.
    Et que dire de Fabre d’Églantine, si proche de Danton, et
qui serait un « tripoteur » mêlé lui aussi à ces trafics ? À ce
que Fabre, imprudemment, a appelé une « conspiration de l’étranger ».
    On a l’impression que Danton est englué dans ce marécage et
que lorsqu’il réclame l’indulgence, qu’il demande qu’on « économise le
sang », qu’on « pose la barrière », c’est pour lui et ses amis
qu’il souhaite la clémence.
    Alors il élève encore la voix :
    « Vous serez étonné quand je vous ferai connaître ma
vie privée. »
    Il n’a pas de fortune colossale, clame-t-il.
    « Je défie les malveillants de fournir contre moi la
preuve d’aucun crime ! Tous leurs efforts ne pourront m’ébranler ! Je
veux rester debout avec le peuple ! Vous me jugerez en sa présence !
    « Je ne déchirerai pas plus la page de mon histoire que
vous ne déchirerez les pages de la vôtre, qui doivent immortaliser les fastes
de la liberté ! »
    Il s’époumone mais il sent qu’il ne convainc pas.

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