Aux armes, citoyens !
les extrémités ! Elle adorait ses rois, elle a tué le dernier.
Elle se courbait avec plaisir sous le joug du catholicisme, elle vient de le
renverser de fond en comble. Elle ne connaît point de mesure mitoyenne… Quelle
sera la fin de tout ceci ? Elle ne peut être que très misérable.
« Adieu mon cher ami, je me bande les yeux pour ne pas
en voir davantage… »
Et l’inquiétude et le désarroi de l’éditeur de Voltaire
Ruault rencontrent ceux de Jacques Roux, ci-devant abbé, figure de proue des
Enragés, qui a souvent goûté de la prison, et plus souvent encore dénoncé les
fripons, les agioteurs, les aristocrates, les riches, ces Girondins et ces
Montagnards qui n’osent regarder la misère en face.
Et Roux, depuis sa prison, s’élève contre les abus de cette « loi
terrible » qui fait de chaque citoyen un « suspect ».
« Je suis tenté de demander si nous habitons des
contrées barbares ou si nous vivons dans ces siècles avilis où l’on déclarait
criminel de lèse-nation un homme qui avait raconté un songe, un autre
pour avoir vendu un verre d’eau chaude ; celui-ci pour s’être
déshabillé devant une statue, celui-là pour être allé à la garde-robe avec une
bague sur laquelle était empreinte la tête d’un Empereur. »
Il va plus loin encore :
« C’est ressusciter le fanatisme que d’imputer à un homme
les crimes de sa naissance. C’est le comble de la cruauté de faire incarcérer
comme suspects de la République ceux qui ont eu le malheur de déplaire à un
commissaire de section, à un espion de police, à un garçon de bureau, à un secrétaire
de la trésorerie, à un huissier de la Convention nationale, à un guichetier, au
président d’une société populaire, et à la catin d’un homme en place.
« Il y a plus d’innocents incarcérés que de coupables… Si
l’on ne met fin à ces emprisonnements qui souillent l’histoire de la Révolution
et dont on ne trouve pas d’exemples dans les annales des peuples les moins
civilisés, la guerre civile ne tardera point à s’enflammer. »
Danton lit le texte de Jacques Roux. Le tribun vit toujours
retiré dans sa propriété d’Arcis-sur-Aube, se livrant aux plaisirs et aux
jouissances de la campagne et de l’amour, achetant des terres, arrondissant son
bien. Mais il craint pour lui et pour la nation la guerre civile.
Ses proches – Chabot, Basire – sont décrétés d’arrestation, dans
l’affaire de corruption de la Compagnie des Indes. Et, tortueusement, le Comité
de salut public confie l’instruction de l’affaire à… Fabre d’Églantine, qui a dénoncé
le complot de l’étranger, mais qui est aussi un ami de Danton.
Un courrier venu de Paris avertit Danton de cette manœuvre
machiavélique. Il incite le tribun à rentrer, à affronter Robespierre qui est
dans l’ombre de cette machination.
« En veut-il à ma vie ? Il n’oserait pas, dit
Danton.
« Vous êtes trop confiant, revenez à Paris, le temps
presse.
« Va dire à Robespierre que je serai assez tôt à Paris,
pour l’écraser lui et les siens. »
Le 19 novembre, Danton est à Paris, après cinq semaines de
séjour à la campagne alors que chaque heure a compté dans la marche et l’orientation
de la Révolution.
Il rencontre Hébert.
Il flaire la situation, s’élève contre les « mascarades »
antireligieuses, manière de faire un pas vers Robespierre, alors même que la
Convention décrète qu’à compter du 24 novembre, les noms des mois seront ceux
du calendrier républicain.
Et que l’on décide que les cendres du héros corrompu, Mirabeau,
seront chassées du Panthéon.
Au club des Jacobins, on procède à une nouvelle épuration. Laverdy,
un ancien contrôleur général des Finances, est guillotiné. Comme le journaliste
girondin Girey-Dupré.
Danton confie à Garat, avocat, qui en 1792 a remplacé Danton
au ministère de la Justice, puis Roland en 1793 au ministère de l’intérieur, qui
a été arrêté comme Girondin mais rapidement libéré, qu’il veut lancer une
grande campagne pour l’ Indulgence.
Danton partage le sentiment de Jacques Roux sur la loi des
suspects :
« Je sais que dans les circonstances actuelles on est
forcé de recourir à des mesures violentes, mais on ne saurait trop se mettre
contre la malveillance… Rien n’est plus dangereux que de laisser à l’arbitraire
d’un coquin parvenu, d’un commissaire vindicatif, l’application d’une
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