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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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se
demande-t-on. Et comment croire encore aux propos des uns et des autres ? Que
sont devenus Jacques Roux, Marat, Hébert, Danton, que les sans-culottes avaient
écoutés, suivis, aimés ?
    L’un, désespéré, s’est suicidé en prison. L’autre a été
assassiné. Les deux derniers ont été accusés, alors qu’ils avaient été la voix
de la Révolution, d’être corrompus et traîtres à la nation. Et on a retiré du
Panthéon la dépouille de Mirabeau, tribun, héros, vendu à la Cour !
    Alors comment s’enthousiasmer encore pour tel ou tel, même s’il
est l’incorruptible ?
    Autant s’asseoir à l’une des tables dressées par les
citoyens de la même rue, pour trinquer ensemble à la paix, au cours d’un repas
fraternel, en souhaitant qu’on ne voie plus passer ces charrettes chargées d’hommes
et de femmes aux mains liées, et dont la tête allait « rouler et éternuer
dans le sac ». Qu’on en finisse avec la Terreur !
    Et qu’on ne prétende plus, quand on subit le maximum des
salaires, qu’on perd la moitié de sa journée, et que le pain est toujours aussi
cher, que la Vertu règne en même temps que la Sainte Guillotine !
     
    Mais comment arrêter cette machine infernale qui continue de
décapiter, place du Trône-Renversé à la lisière de la ville, comme si les autorités
révolutionnaires avaient eu conscience que la « nausée de guillotine »
allait les faire rejeter ?
    Jean Bon Saint-André le dit : « Un grand orage est
proche. »
    Hanriot, le commandant de la garde nationale, signale que
les arrêts de travail se multiplient dans divers ateliers, même ceux qui
fabriquent des fusils pour les armées.
    Pourtant Barère déclare encore à la Convention qu’« il
n’y a que les morts qui ne reviennent point », faisant ainsi une nouvelle
fois l’apologie de la Terreur.
    Mais en fait, les membres des Comités comprennent qu’ils
doivent cesser de se déchirer et faire front commun, contre le mécontentement
et la lassitude qui gagnent. Et ils insistent le 22 juillet (4 thermidor) pour
que Robespierre revienne au Comité de salut public.
    Ils paraissent prêts à s’entendre avec l’incorruptible. Barère
est chargé de présenter un rapport à la Convention, « sur les moyens de
faire cesser la calomnie et l’oppression sous lesquelles on a voulu mettre les
patriotes les plus ardents ». Chacun comprend que c’est un pas vers
Robespierre, le calomnié, le ridiculisé.
    Et le 23 juillet (5 thermidor), Maximilien s’assied avec les
autres membres des deux Comités autour de la grande table verte.
    « Nous sommes tes amis, nous avons toujours marché
ensemble », dit Billaud-Varenne.
    Et le soir à la Convention, Billaud-Varenne, avec
enthousiasme, annonce la réconciliation des patriotes qui siègent dans les
Comités.
     
    Robespierre se tait.
    Il écoute, impassible, son fidèle Couthon déclarer le 6
thermidor (24 juillet) que la « Convention doit écraser les cinq ou six
petites figures humaines dont les mains sont pleines de richesses de la
République et dégouttantes du sang des innocents qu’ils ont immolés ».
    Et le lendemain 7 thermidor (25 juillet), Maximilien demeure
impassible quand Barère prononce son éloge. Mais l’incorruptible donne l’impression
à certains d’être un chat ou un tigre prêt à bondir, les yeux brillants de rage.
Et en effet, Maximilien vient d’apprendre que Saint-Just s’est engagé à ne plus
faire mention de l’Être suprême ni de l’immortalité de l’âme dans un rapport
sur les institutions qu’il doit rédiger.
    Maximilien a le sentiment d’être trahi à la fois par
Saint-Just et par Couthon.
    Il est seul. Il doit se défendre et attaquer seul.
    Le 8 thermidor (27 juillet), il monte à la tribune de la
Convention.
    Il veut dire ce qui depuis des semaines, des mois même, pèse
sur son âme et l’étouffe.
    Il veut donner sa vision de la Révolution.
    Il veut énoncer son programme.
    Et il sait que ce discours peut devenir, et peut-être le
souhaite-t-il, son testament.
     
    Ce 8 thermidor an II (26 juillet 1794) est une journée
torride, sous un soleil aveuglant et brûlant. Maximilien gravit lentement les
degrés, saisit à deux mains le pupitre, commence à parler d’une voix plus
tendue encore qu’à l’habitude.
    Chaque mot tombe, tranchant le silence.
    Lui, l’homme du Comité de salut public, lui le Montagnard, il
se tourne vers le Marais. Il fait l’apologie de la Convention.

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