Aux armes, citoyens !
mourant, qui se fit entendre aux extrémités de la
place », écrit le témoin.
Le bourreau montre au peuple trois têtes ensanglantées :
celle d’Hanriot, le général commandant la garde nationale, celle de Dumas, le
président du Tribunal révolutionnaire, et celle de ce Maximilien Robespierre, l’incorruptible
qui croyait à l’Être suprême et à l’immortalité de l’âme.
Sur la place de la Révolution, dans les rues voisines, la
foule crie sa joie.
« On se jette dans les bras les uns des autres. »
Le témoin ajoute :
« Ô Liberté, te voilà arrachée à tes plus cruels
ennemis. Enfin nous sommes libres, le tyran n’est plus. »
Mais comptant les charrettes qui durant plusieurs jours ont
conduit par grandes fournées les complices du tyran au rasoir national, il
dénombre cent six exécutions.
« Quelle boucherie ! » s’exclame-t-il.
« Mais, poursuit-il aussitôt, quel autre malheur plus grand que cette
journée du
9 thermidor ne soit pas arrivée deux ou trois jours plus tôt.
Près de cent quarante personnes y auraient gagné la vie… »
CINQUIÈME PARTIE
10 thermidor an II-4 prairial
an III
28 juillet 1794 – 23 mai 1795
« La Révolution est faite »
« On semblait sortir du tombeau
et renaître à la vie. »
Le conventionnel Thibaudeau
après le 9 thermidor an II
« La Révolution est
faite…
La Révolution a coûté des
victimes, des fortunes
ont été renversées ; iriez-vous
autoriser des recherches
sur tous les événements
particuliers ?
Lorsqu’un édifice est
achevé, l’architecte
en brisant ses instruments
ne détruit
pas ses collaborateurs… »
Le conventionnel Cambacérès
après le 9 thermidor an II
« Les conventionnels
sont comme des valets de révolution
qui ont assassiné leurs
maîtres
et s’emparent de la maison
après leur mort. »
Mallet du P AN
après le 9 thermidor an II
16.
On a jeté le corps de Maximilien Robespierre dans la fosse
commune.
« Vive Dieu ! Mon cher ami ! La tyrannie est
à bas depuis trois jours, écrit le 12 thermidor an II (30 juillet 1794) le
libraire Ruault à son frère. Le bruit sans doute en est déjà venu jusqu’à vous,
car il a été grand et terrible comme il devait l’être. Toute la France doit en
retentir en ce moment. Robespierre est allé le 10 rejoindre Danton par la même
route qu’il a fait prendre à ce collègue pour descendre chez les morts, les
révolutionnaires même les plus fougueux ont trouvé juste en cette occasion l’emploi
de l’admirable loi du talion… »
Et Ruault raconte qu’alors que Robespierre gisait, la
mâchoire fracassée, attendant qu’on le chargeât dans la charrette qui devait le
conduire à la guillotine, un sans-culotte s’était approché, et lui avait lancé :
« Te voilà donc, tyran des patriotes ! Sens-tu
maintenant tout le poids du sang de Danton ? Il tombe goutte à goutte sur
ta tête. »
Quand Barras, Tallien, Fouché, Fréron sortent de la
Convention, on leur apporte des fleurs. Des jeunes gens embrassent les basques
de leur habit, on crie à Fréron :
« Souviens-toi que tu as des morts à venger. »
Des attroupements se forment devant les portes des quarante
prisons de Paris où s’entassent huit mille cinq cents prisonniers.
On a suspendu l’appel quotidien. Les détenus interpellent
leurs gardiens, réclament du vin, exigent qu’on les libère.
Des parents, des amis des prisonniers, font le siège du
Comité de sûreté générale, sollicitent des « élargissements ».
Des huissiers jouent les intermédiaires, extorquent deux à
trois mille écus pour faciliter une libération.
En quelques jours, près de cinq cents suspects sont relâchés.
« On semblait sortir du tombeau et renaître à la vie »,
dit le conventionnel Thibaudeau qui, prudemment, pendant la Terreur s’est fait
oublier au Comité de l’instruction publique, et reparaît maintenant que la tête
de Robespierre a roulé dans le sac.
Ils sont nombreux comme lui.
Sieyès, l’un des députés aux États généraux les plus
influents, s’est aussi retiré pendant les mois de sang.
« J’ai vécu », murmure-t-il. Et il se souvient en
frissonnant du regard que Robespierre portait sur lui, le considérant comme « la
taupe de la Révolution, qui ne cesse d’agir dans les souterrains de la
Convention, plus dangereux pour la liberté que ceux dont la loi a fait justice
jusqu’ici ».
Sieyès a
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