Aux armes, citoyens !
est-elle
possible ?
Robespierre est réticent. Il ne veut pas violer la loi. Et
la Convention est la représentation du peuple souverain.
Et tout à coup, le tocsin qui retentit.
Le Conseil général de la Commune, à l’Hôtel de Ville, a dû
apprendre les arrestations. Et le maire de Paris, Fleuriot-Lescot, est un
fidèle robespierriste. Il appelle les patriotes à se rassembler en armes, il
mobilise la garde nationale que commande le général Hanriot, un robespierriste
lui aussi.
Le maire ordonne aux concierges des prisons de ne pas
accepter les prisonniers qu’on leur présenterait.
Brutalement, les portes de la salle où se trouve Robespierre
s’ouvrent avec fracas. Des gendarmes de la Convention poussent dans la salle
Hanriot, bras liés.
Éméché, il avait à cheval harangué, au Palais-Royal, les
citoyens, les appelant à « exterminer les trois cents scélérats qui
siègent à la Convention ».
Les gendarmes n’avaient eu aucune peine à se saisir de lui.
Est-ce la fin ? L’insurrection mort-née, les
robespierristes condamnés.
Mais les concierges des prisons obéissent à la Commune, refusent
de recevoir les prisonniers qu’on vient de leur présenter. On conduit
Robespierre à la mairie, quai des Orfèvres. On l’y accueille par des cris de
joie. Il est libre. Il n’est que huit heures du soir.
Tout serait-il encore possible ?
Le vice-président du Tribunal révolutionnaire Coffinhal est
parti pour les Tuileries avec deux cents canonniers et des gardes nationaux, représentant
seize sections, même si la majorité – trente-deux – ont refusé de marcher.
On délivre Hanriot, mais le général dégrisé refuse de faire
bombarder les Tuileries, et se rend à l’Hôtel de Ville où il retrouve les
autres prisonniers.
Robespierre vient d’y arriver. Il a fallu que le maire
Fleuriot-Lescot l’arrache à ses hésitations, à sa passivité, à sa prudence. Car
il ne veut pas prendre la tête de l’insurrection.
Par souci de légalité ? Par habileté ? Afin de
rester au-dessus des factions ?
Par épuisement nerveux et sentiment que tout est perdu, que
la mort est là, parce que les « brigands triomphent » et que
Maximilien est fasciné, attiré par cet échec – et sa mort -qui se dessine.
Mais il n’a pas pu se dérober à l’appel de Fleuriot-Lescot, du
Conseil général de la Commune.
« Le Comité d’exécution a besoin de tes conseils, viens
sur-le-champ à l’Hôtel de Ville », lui a-t-on écrit.
Et d’ailleurs, comment refuser alors que la Convention
déclare hors la loi tous les partisans de Robespierre ?
C’est donc l’insurrection, le conflit armé avec la
Convention, l’obligation de jouer son va-tout.
Il faut rassembler tous les robespierristes.
Couthon sera le dernier à rejoindre l’Hôtel de Ville. Il s’obstine
à ne pas vouloir quitter la prison de La Bourbe où on l’a accepté.
À toutes les sollicitations, il répond qu’il est fidèle aux
principes que lui a enseignés l’incorruptible : respecter la souveraineté
de la Convention.
Il faut qu’Augustin Robespierre prenne la plume, écrive :
« Couthon, tous les patriotes sont proscrits, le peuple
tout entier est levé. Ce serait le trahir que de ne pas te rendre avec nous à
la Commune où nous sommes actuellement. »
Maximilien Robespierre et Saint-Just signent ce message aux
côtés de « Robespierre jeune ».
Couthon a enfin rejoint l’Hôtel de Ville. Et Maximilien
regarde autour de lui ses partisans rassemblés dans cette salle.
Aucun élan, aucun enthousiasme. Le désarroi, la fatigue, le
désespoir même, se lisent sur les visages, dans les attitudes.
On écrit des ordres :
« Qu’on ferme les barrières de Paris. Que l’on mette
les scellés sur toutes les presses des journalistes – et qu’à cet effet on en
donne l’ordre aux commissaires de police – et les journalistes en arrestation
ainsi que les députés traîtres. »
On conclut le message par ces mots :
« C’est l’avis de Robespierre et le nôtre. »
Mais Maximilien Robespierre ne signe pas le texte qui
portera le nom de Payan et celui du maire Fleuriot-Lescot.
On parle. On palabre plutôt, dans une atmosphère irréelle.
On dit qu’il faut « mettre le peuple en humeur ».
On décide l’« arrestation des indignes conspirateurs »
pour « délivrer la Convention de l’opposition où ils la retiennent ».
Saint-Just, debout, ne dit mot.
Il
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