Aux armes, citoyens !
cette sublime aventure dans l’histoire humaine.
« Que diront les peuples, que penseront les rois, en
apprenant ces horribles nouvelles, en lisant ces pages folles et sanglantes de
notre Révolution ?
« Les amis de la liberté, les enfants de la patrie en
gémissent et ne désespèrent pourtant pas du tout du succès des affaires
publiques… »
En fait, Ruault et chaque citoyen en ont conscience, depuis
le 9 thermidor, et même si le gouvernement continue à se déclarer
révolutionnaire, la République est entrée dans une nouvelle époque.
L’atmosphère de Paris est différente.
L’un des premiers étrangers, Henri Meister, arrivé dans la
capitale par le coche de Genève, s’étonne de pouvoir entrer dans la ville « sans
être arrêté à aucune barrière, sans éprouver la moindre difficulté, sans
essuyer la moindre question ».
Il remarque qu’on voit de nouveau « quelques voitures
particulières, celles des ministres – diplomates – étrangers, celles des
membres du Comité de salut public qui en ont chacun une à leur disposition aux
frais de la République ; celles de quelques entrepreneurs et de leurs
maîtresses ».
Il se rend au théâtre où l’on ne joue sous les acclamations
que des pièces qui fustigent le « tyran » Robespierre. Et le public
réclame vengeance contre les « chevaliers de la guillotine », les « buveurs
de sang ».
On lui confie que « les patriotes se taisent car l’aristocratie
les appelle des Robespierre ».
On ovationne les tirades qui font écho aux passions et aux
événements du moment :
Exterminez grand Dieu de la terre où nous
sommes
Quiconque avec plaisir répand le sang des
hommes.
Il voit devant un théâtre un cocher, qui ouvre la portière
de sa voiture, s’incliner devant le passager qui vient de le récompenser, et il
entend le cocher dire obséquieusement : « Merci mon maître. »
Et ce mot, plus jamais utilisé depuis près de cinq ans, Meister
constate qu’il se répand de nouveau. On retrouve le « maître », on
oublie « citoyen ».
Chaque jour, Meister lit quotidiens ou pamphlets qui
condamnent Maximilien, cet « Imposteur qui dictait depuis cinq ans la
ruine de la liberté, pour qui les crimes n’étaient rien, pourvu qu’ils fussent
des moyens de parvenir à la tyrannie.
Et les scélérats qui avec lui avaient ourdi les trames les
plus atroces ne sont plus… »
Et on appelle à en finir avec la « queue de Robespierre ».
Les journaux saluent la libération des suspects, l’abolition
de la loi du 22 prairial, l’arrestation de l’accusateur public du Tribunal
révolutionnaire, Fouquier-Tinville, auquel on promet un vrai procès.
En même temps, on traque ceux qui sont suspects de
robespierrisme.
Le 9 août, à Nice, les représentants en mission Saliceti et
Albitte décrètent d’arrestation le général Bonaparte, parce qu’il y a sur lui « de
forts motifs de suspicion de trahison, de dilapidation ».
Bonaparte entretenait de bonnes relations avec Augustin
Robespierre, un temps représentant en mission. Cela suffit à faire de Bonaparte
un suspect de robespierrisme.
Il se défend avec vigueur, écrivant depuis le Fort-Carré d’Antibes
où il a été emprisonné :
« N’ai-je pas toujours été attaché aux principes ?
J’ai tout perdu pour la République. Depuis, j’ai servi à Toulon avec quelque
distinction et mérité à l’armée d’Italie la part de lauriers qu’elle a acquise.
On ne peut donc me contester le titre de patriote… »
Le 20 août, Bonaparte est libéré. Mais il sent que les
soupçons s’accrochent à lui, alors que le général Hoche, qui était emprisonné
sous Robespierre, obtient avec la liberté le commandement de l’armée des Côtes
de Cherbourg qui lutte contre les chouans et les Vendéens.
Malgré ces changements, cette épuration, ces traques des
robespierristes que mènent dans les départements de nouveaux représentants en
mission, le pays est comme terrassé.
Le Suisse Mallet du Pan note : « La nation paraît
épuisée comme une frénétique revenue à la raison l’est par les saignées, les
bains et la diète ! »
Et l’ancien Girondin La Révellière-Lépeaux ajoute :
« À la fièvre chaude succède une entière prostration de forces. »
Les plaies ne sont pas refermées. Elles suppurent encore. Les
beaux quartiers et d’abord celui du faubourg Saint-Germain sont déserts. Et sur
les hôtels
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