Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Azteca

Azteca

Titel: Azteca Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
Monde Unique – sur Xaltocán, en tout cas, le
seul monde que je connusse – les brumes bleu pâle s’élevaient du lac, si bien
que les montagnes environnantes assombries semblaient flotter dessus, entre les
eaux rougies et le ciel pourpre. Alors, juste au-dessus de l’horizon où avait
disparu Tonatiuh, Omexochitl, l’étoile du soir : Après la Floraison venait
papilloter un moment. L’étoile apparaissait, elle n’y manquait jamais, elle
venait nous assurer que malgré l’obscurité de la nuit, il ne fallait pas redouter
que cette ombre aille ressembler à la noirceur totale de l’Endroit Ténébreux.
Le Monde Unique vivait et vivrait encore quelque temps.
    Je me rappelle bien des nuits et d’une nuit en particulier. Metztli, la
lune, avait terminé son repas mensuel d’étoiles et elle était rassasiée,
gorgée, ronde et brillante, si bien que la figure du lapin-dans-la-lune
apparaissait aussi nettement que les sculptures d’un temple. Cette nuit-là – je
devais avoir trois ou quatre ans – mon père m’emporta sur ses épaules, serrant
fortement mes chevilles de ses mains. En de longues enjambées, il m’emmenait
vers la fraîche clarté et l’obscurité plus fraîche encore : le clair de
lune et l’ombre pommelée de l’astre nocturne sous les membres étalés et les
feuilles duveteuses « des plus vieux des vieux arbres », les cyprès
ahuehuetes. J’étais assez grand alors pour avoir entendu parler des terribles
choses qui rôdent la nuit, hors de portée de la perception des gens. Il y avait
Chocaciuatl, la Femme qui pleure, la première de toutes les mères à être morte
en couches, errant éternellement, pleurant sans cesse son bébé mort et sa vie
gâchée. Il y avait les torses sans nom, sans tête, sans bras, qui parvenaient
pourtant à pousser des gémissements tout en se tordant sur le sol, aveugles et impuissants.
Il y avait les crânes dépouillés et décharnés qui dérivaient dans les airs, à
la poursuite des voyageurs surpris par la nuit. Quand un mortel apercevait une
de ces choses, il savait que c’était un présage certain de terribles malheurs.
    Certains de ces citoyens des ténèbres n’étaient pas autant à redouter.
Il y avait, par exemple, le dieu Ehecatl Yohualli, Vent de la Nuit, qui
tourbillonnait le long des chemins, cherchant à s’emparer de l’homme imprudent
sorti dans l’obscurité. Mais Vent de la Nuit était capricieux, comme tous les
vents. Parfois il attrapait quelqu’un, puis le relâchait et quand cela se
produisait, la personne voyait ses vœux exaucés et une longue vie en
perspective pour en jouir. Aussi, dans l’espoir que le dieu conserve cette humeur
indulgente, notre peuple avait depuis longtemps édifié des bancs de pierre à
différents carrefours de l’île, pour que Vent de la Nuit puisse s’y reposer
pendant ses vagabondages. Comme je l’ai dit, j’étais assez grand pour connaître
et craindre les esprits redoutés des ténèbres. Mais cette nuit-là, installé sur
les larges épaules de mon père, pour un temps plus grand qu’un homme, les
cheveux frôlés par les bruissantes frondaisons des cyprès et le visage caressé
par les marbrures de la lune, je n’avais pas du tout peur.
    Je n’ai pas de mal à me rappeler cette nuit, car, pour la première
fois, on m’avait permis d’assister à une cérémonie qui comportait un sacrifice
humain. Ce n’était qu’un rite mineur, en hommage à une divinité très
secondaire : Atlaua, le dieu des oiseleurs. (A cette époque, le lac
Xaltocán grouillait de canards et d’oies qui, pendant la migration,
s’arrêtaient là pour se reposer et se nourrir – et nous nourrir.) Donc, par
cette nuit de pleine lune, au début de la saison du gibier d’eau, un homme
devait être rituellement exécuté pour la plus grande gloire du dieu Atlaua.
Pour une fois, l’homme n’était pas un prisonnier de guerre allant vers sa Mort
Fleurie avec exaltation ou résignation, mais un volontaire à l’aspect assez
pitoyable. « Je suis déjà mort », avait-il déclaré aux prêtres.
« Je suffoque comme un poisson hors de l’eau. Ma poitrine réclame
davantage d’air, mais l’air ne me nourrit plus. Mes membres faiblissent, ma vue
s’obscurcit, ma tête tourne. Je tombe et m’évanouis. J’aimerais mieux mourir
tout de suite plutôt que de m’échouer comme un poisson, pour finir par
m’étrangler. »
    Cet homme était un esclave venu de la nation Chinanteca, loin vers

Weitere Kostenlose Bücher