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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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John,
car c'était lui, vous êtes aussi trop maussade. Justement nous
parlions de vous. J'avais encore votre nom sur les lèvres ;
peut-être même me l'avez-vous entendu prononcer… Non ? J'en
suis fâché, j'en suis vraiment fâché. Vous reconnaissez notre ami
ici présent, Haredale ? convenez que c'est une singulière
rencontre. »
    L'ami en question, évidemment mal à son aise,
avait pris la liberté de serrer le bras de sir John et de lui faire
entendre, par toute sorte d'autres signes, qu'il désirait éviter
cette présentation. Mais comme cela n'entrait pas dans les vues de
sir John, il n'eut pas l'air de s'apercevoir de ces supplications
muettes, et le montra de la main, en même temps qu'il disait
« notre ami, » pour appeler plus particulièrement sur lui
l'attention.
    Notre ami n'eut donc plus d'autre ressource
que d'étaler sur son visage le plus brillant sourire dont il
pouvait disposer, et de faire une révérence propitiatoire au moment
où M. Haredale tourna sur lui ses yeux. Se voyant reconnu, il
avança la main d'un air de gaucherie et d'embarras, qui ne fit
qu'augmenter lorsque Haredale la rejeta d'un air de mépris, en
disant froidement :
    « M. Gashford ! Alors on ne
m'avait pas trompé. Il paraît, monsieur, que vous avez décidément
jeté le masque, et que vous poursuivez à présent avec l'ardeur
amère d'un renégat ceux dont les opinions étaient autrefois les
vôtres. Grand honneur pour la cause que vous embrassez,
monsieur ! Je fais mon compliment à celle que vous venez
d'épouser, d'avoir fait, une pareille acquisition. »
    Le secrétaire se frottait les mains avec force
révérences, comme pour désarmer son adversaire en s'humiliant
devant lui. Sir John Chester s'écriait de l'air le plus
réjoui : « Vraiment, il faut convenir que c’est une
singulière rencontre ! » Et là-dessus il prenait dans sa
tabatière une prise de tabac avec son calme ordinaire.
    « M. Haredale, dit M. Gashford,
levant les yeux en cachette et les baissant tout de suite après,
quand ils eurent rencontré le regard fixe et ferme du premier,
M. Haredale est trop consciencieux, trop honorable, trop
sincère, assurément, pour attribuer à d'indignes motifs un
changement d'opinions plein de loyauté, même quand ces opinions
nouvelles ne seraient pas d'accord avec celles qu'il professe
lui-même ; M. Haredale est trop juste, trop généreux,
d'une intelligence trop éclairée, pour…
    – Ah ! vraiment, monsieur ?
reprit l'autre avec un sourire sarcastique en le voyant s'arrêter
embarrassé. Vous disiez donc… ?
    Gashford haussa légèrement les épaules et,
baissant encore les yeux sur les dalles, garda le silence.
    « Non ; mais, réellement, dit John
venant alors à son aide, convenons que c’est une rencontre tout à
fait singulière. Haredale, mon cher ami, pardon ; je ne crois
pas que vous soyez frappé, comme il faut l'être, de ce qu'elle a de
remarquable. Voyez un peu : nous voici là, sans rendez-vous
préalable, trois anciens camarades de collège, réunis dans la salle
de Westminster ; trois anciens pensionnaires du triste et
ennuyeux séminaire de Saint-Omer, où vous deux vous étiez obligés,
par votre titre de catholiques, de faire votre éducation, et où
moi, l'une des espérances en herbe du parti protestant de ce
temps-là, j'avais été envoyé pour prendre des leçons de français
d'un Parisien pur sang.
    – Vous pourriez ajouter une particularité
qui rend la chose encore plus singulière, sir John, dit
M. Haredale : c'est que quelques-unes de ces espérances
en herbe du parti protestant sont en ce moment liguées dans
l'édifice là-bas pour nous dépouiller du privilège abusif et
monstrueux d'apprendre à nos enfants à lire et à écrire ;
c'est que, dans ce pays de liberté prétendue, en Angleterre même,
où nous entrons par milliers tous les ans dans vos troupes pour
défendre votre liberté, et pour aller mourir en masse à votre
service dans les sanglantes batailles du continent, vous aussi, par
milliers, à ce que j'entends dire, vous vous laissez persuader par
ce M. Gashford, qu'il faut nous regarder tous comme des loups
et des bêtes fauves. Vous pourriez ajouter encore que cela
n'empêche pas cet homme-là d'être reçu dans votre société, de se
promener tranquillement par les rues en plein jour, la tête levée
(pas comme en ce moment) : et je vous réponds que ce n'est pas
la particularité la moins étrange de cette

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