Bastard battle
et coilles vides. Mais ainsi qu’ils passaient près de Langres, les seigneurs bourguignons, à savoir Jean de Vergy, Châteauvillain et aucuns aultres, les poursuivirent, les atteignirent, les ruèrent jus et les détroussèrent. Tartas me dit en quelle bataille sanglante il fut pris et comment, assailli de toutes parts, il défit à lui seul une vingtaine d’hommes à coups orbe. Ce qui fut vray. Il demeura morts sur la place bien six vingt ou mieux et les aultres en la plus grande partie furent prisonniers. Quant aux bastards, ils ne furent ni morts ni pris, item quelque cents compaignons qui savaient mieux gauchir que d’aultres et tourner visage à raison. Mon amy, de bon retour, me dit qu’à son œil, des deux bastards, Guy était le pondéré, tout à fait politique et bien amoulé à l’escrime, tandis qu’Aligot estoit meut par une volunté si farouche qu’il emportait quiconque à sa suite. Mais tous deux péchaient par confiance et cruauté et ainsi les avaient menés à grand perte. Dans l’estour, pendant qu’il méshaignait l’ennemy sans compter, Tartas fut surpris par un homme assez haut, maigre de gueule et de corps, de barbe courte et claire et très nonchalant par ses mouvements. Ils s’escrimèrent ensemble, lui à double rebras et l’autre sans suer ni eau ni sang, un sourire aux lèvres comme s’il eut par les champs promené son bidet. Ils se firent dix et vingt assaults successifs, de bonne guerre avec beaucoup de science, et s’échangèrent quelques paroles. D’où il ressortit que le maigriot se nommait Billy, qu’il aimait les florins et les dames à part égale et que n’eut été la bonne rançon qu’ils allaient prendre, il n’aurait pas poussé plus loin le jeu avec un si bon tapeur de masse. Tartas apprécia et le convia à gargotter de concert s’il venait à passer par Chaumont. Sur ce, tandis que débandait la troupe des bastards en désarroi, ils se quittèrent gentillement.
Repliés dans les murs, on se refit tant bien que mal avec ce qu’on avait pu prendre en passant. Guy de Bourbon décida de mener sous peu son reste de troupe vers le sud et lever des gens sur la route car on disait qu’il revenait de Suisse force mercenaires en errance. Aligot pour sa part tenait à la place et ne pensait qu’assouvir son ire sur les nobles gueux qui l’avaient si bien détroussé. Ne voulant que son frère partisse les mains vides, il prévut une course à deux testes en Bassigny. J’en fus et ce fut un ravage, je dis vray. Le bastard, par trop échauffé de sa malaventure emprès Langres, s’était ensouvenu du jeu saxon dit des forts-tireur, qu’il voulut jouer en tous lieux. Il s’agissait de prendre ce qu’on pouvait d’hommes vaillants, liés à table, bien à plan, de leur boucher le cul à bouchon de paille, puis les gonfler par force de liquide que soit eau ou aultre, de façon à ce que leur ventre engrossissent fortement. Une fois bien emplis, on leur saute à pieds joints du plus haut sur la panse, le bouchon part comme un traict et celui qui va le plus loin a gagné. Nonobstant, pour la plupart à ce point, ils sont morts. On pratiqua beaucoup cette saxonnerie à Neuilly-l’Evêque et à Saint-Geosmes où je passai pour mon compte des heures délicieuses en bonne auberge dite à l’enseigne des tuilettes du nord dont on avait ouvert grand toute la cave.
Sortant d’icelle, fort ingambe et lors que la place était javidée de compaignons, je me trouvai nez à nez avec la démone qui avait morti Pochon Laumière en plus six lieutenants en l’église de Chaumont et renvoyé sa flèche au bastard de Bourbon.
Aulcun bruit ne m’en avait prévenu.
Elle se tenait droite appuyée sur sa hallebarde parmi les ruines que nous laissions, sans si peu se mouvoir qu’on l’aurait cru clouée roide. Mais sur sa face lisse, la fente de ses yeux jetait comme un feu d’étoile vive.
Un frisson m’en passa par le dos.
— Que… comment t’appelle-t-on ?
Elle bougea une main sur son arme et cligna des paupières avant de respondre d’une maigre voix de nez :
— Vipelle d’une toise.
— Comment ?
— Vipère-d’une-toise, sacré foutu bote en cul de foutre clerc, dit quelqu’un dans mon dos. Tu ne comprends le françoys ? Ou c’est le vin qui t’est monté aux oreilles ?
Je me tournai en m’accrochant sur mon baston et vis à fourchons sur un palefroi caparaçonné pour la joute un chevalier portant bassinet, demi-armure et lance de
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