Bastard battle
de l’art, le bastard guérit vitement et partit en course à redoubles galops alentour Chaumont, poussant souventes fois jusqu’aux portes de Langres et d’Auxerre.
En cet an, approchant le mois d’avril, son frère Guy, premier bastard du nom, lui vint en visite à la teste de cinq cents hommes d’armes. Ils retournaient de Toulouse, bien saccagée, tout à leur goût, bien pleins, en belle feste sur long de chemin. On fit pour l’occasion percer maints tonneaux de vin clairet et vin de Beaune. Furent embrochés et mis à rost quinze moutons et trente gourretz de laict en saulce à beau moust et faicts cent platz de gelée à la Tayllevent comprenant vingt et un poussins, six lapereaux, quatre cochons, trente gigotz de veau, quatre pintes de vinaigre blanc, six aulnes de toille, gingembre, graines de paradis et quatre quarterons de mesche mis dans vingt pots de terre et six jattes. Aussi quelques douzaines de ramiers et oiseaux de rivière et gros poissons mis en leschefricte et arousé de bouyllon de beuf. Et tartes bourbonnaises et tartes de pommes et pastés de poires crues et cerises au sucre.
Six et dix jours durant, mangeailles et boyte à ventrées pleines pour les deux troupes, moult gasteries et concours de vins du Languedoc et de Champagne apportés à setiers ; un champ clos en paradis ! Sourcilleux d’honorer pots et cruches, tel bon clerc en doux purgatoire, je dessaoulais peu et sortais moins, sinon pour pisser.
En ce temps, me pris d’amitié pour un rude compaignon nommé Tartas, de poil brun comme sangler et taillé de même, fort en gueule à la ripaille mais fort tranquille pour le reste, délibéré, de bonne compaignie et de première force à la masse d’armes. Né en Limousin emprès Ventadour, il courait avec le bastard Guy de Bourbon depuis l’année mil quatre cent trente-cinq qui avait vu la débandade des troupes de Chabannes et la Hire. Fils de paysans libres mais pauvres, il avait par trop vécu en misère et trop connu la faim pour croire aux bontés des seigneurs chastellains et penser vraye aultre devise que la sienne, qu’il disait chaque bon jour : il n’est trésor que de vivre à son aise ! Après avoir vu ses parents accrasés et pendus par des marauds de passage, son village retourné dessus dessous, les bestes emportées ou morties sur les champs, il avait pris le seul parti possible, à savoir, celui des forts. Adoncques, il vivait depuis lors au grand air, s’engageant dans les compaignies pour la chère et portant pour tout héritage et gaignerie sa masse d’armes qui ne l’avait jamais trahi. Bien que rustaud et très timide en paroles, il chantait bien. En peu de mots, savoit vivre. Enfin, après six et dix jours de banquet à bandon, les queux se trouvèrent sans provision, hormis un muid de gnole qui ne porterait pas loin.
Les Bourbon et leurs lieutenants s’entretinrent de la situation et tranchèrent pour une course à bonne portée, le pays d’alentour étant par trop amaigri, vers Saint-Nicolas-de-Varengeville qu’on disait riche et la Mothe en Lorraine.
Ainsi partirent en cet an au mois de mai mil quatre cent trente-sept, les troupes alliées des deux bastards de Bourbon et mon Tartas en campagne. Ils touchèrent Varengeville en dix jours et nuitées à marche forcée. D’après ce qu’il me conta, car je restai dans les murs à poursuivre mon Bréviaire, ils eurent bon temps jusque là si ce n’est que tous de fort loin les fuyaient, tant bourgeois que vilains, tant la prévention à leur encontre était grande. Ne pour nulle cause, il va sans dire. Mais enfin pour vivre, ne restaient que les champs et peu de rançons furent faictes et peu d’amusement. Peut-être est-ce pourquoi en Saint-Nicolas vite prise, les débrisures et troussages furent plus complets qu’à l’habitude car il y avait là gens et biens à foison comme en ville bénie qu’aulcuns hommes de guerre n’avaient approchée de long temps. Sans doute firent-ils icelieu pis que pendre. Puis filèrent sur la Mothe d’un seul traict, qu’ils prirent soudainement. Les seigneurs et gouverneurs de Lorraine, voyant les destructions totales, traitèrent avec les bastards de Bourbon et firent traités en bonne forme pour recouvrer ladite ville de la Mothe contre certaine grand somme d’argent. Lesquels traités conclus et du tout confirmés, les bastards s’en départirent atous leurs gens pour retourner à Chaumont. Cuers tranquilles, bien contents, bourses pleines
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