Belle Catherine
Ô doux Jésus ! Messire Arnaud !...
Il était déjà à terre et, tandis que Saturnin aidait Catherine à descendre, relevait la vieille Donatienne, l'embrassait sur les deux joues.
— C'est bien moi... Ma mère ?
— Elle est là ! Oh, seigneur, elle va être si heureuse !...
Arnaud, déjà, ne l'écoutait plus. Il avait saisi Catherine par la main et l'entraînait vers la maisonnette si rapidement que le cœur de la jeune femme n'eut pas le temps de battre plus vite. Elle se retrouva dans une salle basse, au sol de terre battue, dont elle ne vit rien si ce n'est une femme en noir assise sur la pierre de l'âtre et qui se levait en poussant un cri.
— Toi !
« Mon Dieu ! songea Catherine, comme elle lui ressemble ! »
En effet, la mince et haute femme brune qui, chancelante, s'appuyait au manteau de la cheminée offrait, sous une forme adoucie, une fidèle réplique des traits d'Arnaud : même front haut, même pureté presque agressive des traits, même teint mat et mêmes yeux noirs, mais, dépassant la guimpe de toile où s'encadrait le visage de façon presque monastique, les épais cheveux noirs se striaient de blanc, les paupières violacées se fripaient et la bouche fine avait un pli las que n'avaient pas les lèvres fermes de l'homme.
Déjà, Arnaud, lâchant Catherine, s'était jeté aux pieds de sa mère et couvrait de baisers ses mains tremblantes.
— Mère chérie !
Appuyée au chambranle de la porte contre lequel elle s'était reculée, Catherine contemplait le groupe formé par la mère et le fils, sans même oser respirer. De lourdes larmes glissaient sur les joues d'Isabelle de Montsalvy tandis qu'elle enfermait dans ses deux mains le visage de son fils pour l'élever jusqu'à ses lèvres. Un moment, qui parut à Catherine durer un siècle, ils demeurèrent étroitement enlacés. Les larmes de la mère semblaient ne devoir jamais tarir.
Derrière elle, Catherine percevait les souffles retenus de ceux que le respect maintenait dehors. Elle entendit soudain Michel vagir et, se retournant brusquement, elle arracha presque l'enfant des bras de Sara, le tint serré contre sa poitrine comme pour lui demander protection contre cette inconnue dont elle attendait avec tant de crainte le premier mot. La chaleur du petit corps niché dans ses bras lui rendit courage. Elle avala sa salive, redressa la tête. Le moment tant redouté était arrivé.
Par-dessus l'épaule d'Arnaud, Catherine vit s'ouvrir les yeux que Mme de Montsalvy avait clos pour mieux savourer sa joie. Elle les vit se poser sur elle, surpris. La question vint aussitôt tandis que la mère d'Arnaud | le repoussait doucement.
— Qui est avec toi ?
Catherine fit deux pas, mais déjà Arnaud était revenu près d'elle. Son bras entoura les épaules de la jeune femme.
— Mère, dit-il gravement, voici ma femme, Catherine...
Une de ces impulsions soudaines dont elle n'avait jamais été maîtresse jeta Catherine en avant. Elle se retrouva agenouillée à son tour devant la mère de son époux, élevant comme une offrande l'enfant sur ses deux mains.
— Et voici notre fils, murmura-t-elle d'une voix que l'émotion enrouait. Nous l'avons nommé Michel !
Son regard violet s'accrochait à celui de sa belle- mère, implorant qu'on voulût bien l'accepter. Son cœur cognait à grands coups dans sa poitrine et elle luttait désespérément contre une terrible envie de pleurer. Isabelle de Montsalvy regarda la jeune femme à ses pieds avec une sorte d'incrédulité. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle se pencha cependant, scrutant le minuscule visage du bébé.
— Michel... balbutia-t-elle... vous me rendez Michel ?
Elle prit l'enfant des mains de Catherine, s'approcha du feu pour mieux le regarder. Catherine pouvait voir trembler ses lèvres et ses yeux s'emplir de nouvelles larmes. Elle s'attendait à la voir éclater en sanglots, mais ce fut un sourire qui vint, si clair et si jeune, le sourire même d'Arnaud. La grand-mère caressa d'un doigt précautionneux la petite crête de cheveux dorés qui se dressait sur la tête de Michel.
— Il est blond ! fit-elle d'un ton extasié, il est blond comme l'était mon pauvre enfant.
Catherine sentit que les mains d'Arnaud glissaient à sa taille et la remettaient debout. Sans la lâcher, il dit:
— Nous sommes heureux de votre joie, Mère, mais à celle-ci, mon épouse et la mère de votre petit-fils, ne direz-vous rien ?
La dame de Montsalvy se retourna vers
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