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Belle Catherine

Belle Catherine

Titel: Belle Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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à lever la tête et le brava du regard.
    — Faites-moi donner un cheval ! Je veux suivre cette chasse !
    — Il eut un haut-le-corps. Visiblement, il ne s'attendait pas à cette requête. Que veut dire cela ? Cherchez-vous à vous enfuir à la faveur de la poursuite ?
    — En laissant Sara entre vos mains ? Vous me connaissez mal, fit-elle en haussant dédaigneusement les épaules.
    — Alors, dois-je vous rappeler que vous êtes enceinte... de près de cinq mois ?
    — Les femmes de ma race montent à cheval jusqu'au moment de se mettre au lit !
    — Et..., les yeux de Gilles se rétrécirent jusqu'à n'être plus que de minces fentes luisantes et noires, et si vous perdez votre enfant ? Le précieux enfant de ce cher Montsalvy ?
    — Il m'en fera d'autres ! lança Catherine.
    Elle avait mis tant d'orgueil dans la brutale impudeur de sa réplique que Gilles de Rais détourna la tête, appela Sillé d'un signe.

    — Un cheval pour dame Catherine. Une haquenée plutôt. Donne-lui Morgane. Ainsi, je serai sûr qu'elle ne me quittera pas. Morgane a l'habitude de suivre Casse-noix comme son ombre !
    Une petite jument blanche, aux pattes fines et dont la longue queue neigeuse tombait jusqu'à terre, fut amenée et vint se ranger d'elle-même près du grand destrier noir de Gilles. Celui-ci offrit la main à Catherine pour l'aider à se mettre en selle, puis enfourcha sa propre monture. Les autres étaient déjà à cheval et Catherine remarqua l'attitude étrange d'Anne de Craon. Elle semblait indifférente à tous ces détails et se tenait assez à l'écart. De la main, elle flattait distraitement l'encolure de son cheval qui dansait sur place, impatient de galoper. Elle n'avait même pas effleuré Catherine du regard et n'avait pas paru remarquer qu'elle se joignait à la chasse. Le cou tendu, le regard fixe, elle regardait seulement l'ogive claire de la porterie, ouverte sur la campagne. Catherine chercha en vain à rencontrer son regard. Elle éprouvait un besoin impérieux de se sentir moins seule, de trouver un appui. Faute de mieux, elle caressa l'encolure de Morgane. Mais il fallait attendre encore. Les yeux sur le cadran solaire de la tour nord, Gilles surveillait la progression du temps. Derrière lui, rangés sur une seule ligne et tous vêtus de cuir sous les tabards armoriés à leurs couleurs, ses capitaines attendaient avec la discipline des troupes d'élite.
    Soudain, Gilles leva sa main gantée.
    — La demi-heure est passée. En chasse !
    Chevaux et cavaliers s'ébranlèrent. Les chiens, traînant presque leurs gardiens qui n'avaient pas trop de tous leurs muscles pour les retenir, partirent en tête. L'air s'emplit de leurs aboiements. Derrière eux, la dame de Craon lança son cheval.
    — Qu'importe le gibier à ma noble grand-mère, ironisa Gilles à l'usage de Catherine, pourvu qu'elle chasse ! Soyez certaine qu'elle traquera votre Normand aussi ardemment qu'un vieux solitaire !
    Côte à côte, le grand cheval noir et la petite jument blanche franchirent le pont-levis.
    En sortant du château, Catherine vit que le chemin vers le village et vers la Loire avait été barré par un cordon de soldats. On craignait sans doute que le gibier, poussé par le désespoir, n'eût l'idée de se jeter au fleuve pour tenter de le franchir et mettre ainsi entre ses poursuivants et lui un infranchissable rempart. Les hommes, choisis pour leur taille, tranchaient vigoureusement, jambes écartées, visages immobiles sous les chapeaux de fer, sur le paysage d'îles sableuses et d'eau au-delà duquel s'érigeaient, fantomatiques, les tours de Montjean et les mâts des navires qui, de Nantes, remontaient jusque-là.
    — Vous ne laissez vraiment rien au hasard, fit Catherine, les lèvres serrées.
    — Je ne tiens pas à ce que la chasse tourne court, répondit Gilles avec un sourire aimable.
    Les chiens, déjà, se lançaient vers le bord de l'étang. Les traces de pas, profondément enfoncées dans la boue, montraient que l'homme avait dû courir pour gagner la forêt. La forêt ! Son royaume à lui, le bûcheron des grandes futaies normandes ! Malgré les pluies récentes, l'herbe jaunissait, ne gardant sa verdure que dans les profondeurs. Au-delà de l'étang, la forêt rousse brillait comme une énorme fourrure fauve et doré,-rouge aussi par endroits, commençant déjà à répandre sur la terre sa parure bruissante. Haut dans le ciel passait le vol rapide des oiseaux migrateurs, en route vers le sud.

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