Ben-Hur
aujourd’hui.
– Tu as reçu, à son sujet, une révélation spéciale ?
– Non, ce n’est pas cela, dit Balthasar, en baissant les yeux. L’Esprit nous a conduits vers l’enfant, mais pas au delà. Après avoir quitté la caverne, la première chose que nous fîmes, ce fut de lever les yeux pour chercher l’étoile ; elle avait disparu et nous comprîmes que nous étions laissés à nous-mêmes. La dernière inspiration de l’Être saint – la dernière dont je me souvienne – fut celle qui nous envoya demander un asile à Ilderim.
– Oui, dit le cheik, qui tiraillait sa barbe d’une main distraite. Tu me dis que vous m’étiez tous trois envoyés par l’Esprit, je m’en souviens.
– Je ne sais rien de certain, continua Balthasar, qui remarquait la consternation peinte sur le visage de Ben-Hur ; mais j’ai beaucoup songé à tout cela, mon fils, j’y ai songé durant de longues années, soutenu par une foi aussi vive aujourd’hui qu’à l’heure où j’entendis la voix de l’Esprit m’appeler sur le rivage du lac. Si vous voulez m’entendre, je vous dirai mes raisons de croire que l’enfant est vivant.
Ilderim et Ben-Hur firent un signe d’assentiment et les domestiques, aussi intéressés qu’eux, se rapprochèrent, afin de mieux écouter.
– Nous croyons tous trois en Dieu, et nous savons qu’il est la Vérité. Les collines pourront tomber en poussière et les vents du midi dessécher les mers, mais sa parole durera éternellement, car sa parole est la vérité, reprit Balthasar d’un accent solennel qui impressionna profondément son auditoire. C’est Lui-même qui me parla, près du lac, en me disant : « Béni sois-tu, fils de Mizraïm. La Rédemption s’approche ; – avec deux autres hommes, venus des confins de la terre, tu verras le Sauveur. » Je l’ai vu, en effet – que son nom soit béni ! – mais la seconde partie de la promesse n’est point accomplie, la Rédemption est encore à venir. Comprends-tu maintenant pourquoi l’enfant ne peut pas être mort ? S’il l’était, il n’y aurait plus personne pour l’accomplir ; la promesse serait vaine et Dieu serait… Non, je n’ose prononcer ce mot ! s’écria-t-il avec horreur. L’enfant est né en vue de la Rédemption et, tant que son œuvre n’est point accomplie, il ne saurait mourir. Voilà une des raisons pour lesquelles je le crois vivant ; écoutez les autres.
Il s’arrêta pour reprendre haleine.
– Ne veux-tu pas boire un peu de vin ? lui demanda Ilderim, respectueusement.
Balthasar but quelques gorgées et reprit :
– Le Sauveur que j’ai vu était né d’une femme, il était semblable à nous par sa nature, sujet à toutes nos maladies et même à la mort, retenez bien ceci. Considérez ensuite la tâche mise à part pour lui. N’est-elle pas de celles qui nécessitent toutes les facultés d’un homme, – la sagesse, la fermeté, le discernement, – d’un homme et non point d’un enfant ? Avant de les posséder il fallait qu’il grandît et se développât, ainsi qu’un de nous. Songez à tous les dangers auxquels sa vie était exposée. Hérode s’était dès l’abord déclaré son ennemi, les Romains ne pouvaient manquer de suivre son exemple. Israël, lui-même, ne paraissait pas disposé à le recevoir. Le meilleur moyen de le soustraire à ces dangers, durant cette période de développement, n’était-ce pas de la lui faire passer dans l’obscurité ? Je me dis donc à moi-même et je vous le répète, – il n’est point mort, mais seulement perdu, et son œuvre restant encore à faire, il réapparaîtra sûrement. Voilà les raisons de mon espérance, – ne vous convainquent-elles point ?
Les petits yeux perçants d’Ilderim brillaient de satisfaction, et Ben-Hur, reprenant courage, s’écria :
– Ce ne sera pas moi qui contesterai leur excellence. Mais parle encore, je te prie !
– Tu ne m’as pas encore assez entendu, mon fils. Sache donc qu’après avoir compris que la volonté de Dieu était qu’on ne pût point trouver l’enfant, je m’exerçai à la patience et me mis à l’attendre avec foi. Maintenant encore, je l’attends. Il vit et il garde bien son secret. Peu importe que je ne puisse aller à lui, ou nommer le lieu de sa retraite. Peut-être son fruit est-il encore dans sa fleur, peut-être est-il près de sa maturité, – toujours est-il que la promesse est certaine, et son
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