Ben-Hur
disposés à causer et à écouter.
Le cheik fit bientôt apporter quatre grands chandeliers de cuivre. Ces chandeliers avaient quatre branches et chacune d’elles supportait une lampe d’argent, allumée, et une coupe contenant une provision d’huile d’olive. Les trois hommes reprirent leur conversation, en cette langue syriaque familière à tous les peuples de l’Orient.
L’Égyptien, sollicité par le cheik, raconta sa rencontre, dans le désert, avec le Grec et l’Hindou. Il pensait, comme Ilderim, qu’il y avait eu au mois de décembre vingt-sept ans qu’ils étaient arrivés à la porte de sa tente fuyant devant Hérode, et lui avaient demandé de les cacher. Chacun lui prêtait une attention intense, les domestiques eux-mêmes interrompaient leur service pour ne pas perdre les détails de son récit. Ben-Hur l’écoutait comme un homme qui entend parler d’un événement d’une importance immense pour l’humanité tout entière, mais surtout pour son peuple d’Israël, et, lentement, une idée qui devait changer le cours de sa vie s’emparait de lui.
Cette histoire n’était pas nouvelle pour Ilderim. Il l’avait entendu raconter aux trois mages et n’avait point hésité à les recueillir chez lui, bien qu’il fût dangereux d’aider un fugitif à échapper à la colère d’Hérode. Sa foi, dès lors, était restée la même, mais il était Arabe et ne pouvait s’intéresser au récit de Balthasar au même degré qu’un Israélite, auquel, dès le berceau, on avait parlé du Messie.
Dans sa jeunesse il avait appris tout ce que l’on savait de cet être, à la fois l’espoir, la terreur et la gloire du peuple élu. Du premier au dernier, les prophètes y faisaient allusion, sa venue formait le thème des dissertations sans fin des rabbins, dans le temple, aux jours de jeûne et aux jours de fête, en public et en particulier, et tous les fils d’Abraham, où que le sort les eût jetés, attendaient ce Messie promis, aussi les paroles de Balthasar éveillaient-elles chez Ben-Hur une émotion profonde. Son cœur battait plus vite et bientôt il ne douta plus que l’enfant, si miraculeusement découvert par les mages, ne fût véritablement le Messie. Mais comment le peuple d’Israël restait-il indifférent à cette révélation ? Comment se faisait-il qu’il n’en eût, jusqu’alors, jamais entendu parler ? Et maintenant, où donc se trouvait l’enfant ? En quoi consistait sa mission ? Telles étaient les questions qu’il posait à Balthasar, en s’excusant d’oser ainsi l’interrompre.
CHAPITRE XXIII
– Que ne puissé-je te répondre ! s’écria Balthasar. Si je savais où le trouver, je me rendrais auprès de lui sans perdre un instant ; rien ne m’arrêterait.
– Tu l’as donc cherché ? demanda Ben-Hur.
Un sourire passa sur le visage de l’Égyptien.
– Si je l’ai cherché ? La tâche que j’assignai à ma vie, lorsque je quittai l’asile que j’avais trouvé au désert, consistait à découvrir ce qu’était devenu l’enfant. Mais bien qu’une année se fût écoulée, je n’osai pas retourner en Judée, car Hérode y régnait encore d’une façon plus sanguinaire que jamais. J’avais en Égypte quelques amis ; ils crurent aux choses merveilleuses dont je leur parlais et se réjouirent à la pensée qu’un Rédempteur venait de naître. Quelques-uns d’entre eux se chargèrent de s’informer de l’enfant. Ils se rendirent d’abord à Bethléem et trouvèrent facilement l’hôtellerie et la caverne ; mais l’intendant qui se tenait à la porte la nuit où nous y arrivâmes n’y était plus, et personne ne savait ce qu’il était devenu.
– Cependant ils ont certainement recueilli quelques preuves de la réalité des choses que tu racontais ? dit Ben-Hur en s’animant.
– Oui, des preuves écrites avec du sang, un village en deuil, des mères pleurant leurs petits enfants. Il faut que tu saches que lorsque Hérode apprit notre fuite, il envoya tuer tous les petits enfants de Bethléem, aucun n’échappa. Mes émissaires furent confirmés dans leur foi en mon récit, mais ils revinrent me dire que l’enfant était mort, massacré avec tous les autres innocents.
– Mort ! s’écria Ben-Hur épouvanté, mort, dis-tu ?
– Non, mon fils, ce n’est point moi qui le dis. C’est là ce qu’ils me rapportaient ; mais je ne le crus point alors et je ne le crois pas davantage
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