Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
Vom Netzwerk:
Chaplin.
    — Et les nôtres ? Comment étaient-ils ?
    — Superbes, répondit Jesse. Fallait les voir… J’en ai eu les larmes aux yeux. Nous aurions dû y être nous aussi, coach , ce n’est pas juste !
    — Allez, au lit, guys  ! Faudra être en forme demain. Nous sommes là pour gagner, pas pour défiler !
    Jesse Owens obtempéra. Une lourde responsabilité pesait sur ses épaules : il était là pour défendre les couleurs de l’Amérique. Et d’abord, la sienne.
    1 - Pour le salut olympique, créé à l’école de Joinville et adopté par le CIO aux Jeux d’Anvers de 1920, le bras est tendu à l’horizontale, mais sur le côté.
    2 - Ces chaussures sont aujourd’hui exposées au musée de l’Olympisme à Lausanne.

2
    Où Jesse Owens remporte
 sa première médaille d’or
    Il faisait froid à Berlin en ce 3 août 1936. Tout en haut des mâts qui surplombaient les immenses tribunes en béton, le vent faisait claquer les drapeaux des nations participantes. Larry Snyder consulta sa montre. Il était 16 h 55. Il releva la tête et plissa ses yeux de myope pour mieux observer Jesse Owens, assis dans l’herbe, un pull-over sur ses épaules. La veille, en série, il avait réalisé 10 secondes 3/10, puis, en quart de finale, 10 secondes 2/10, égalant ainsi son record mondial. Mais le record n’avait pas été homologué à cause d’un vent supérieur à la vitesse limite. Emporté par son élan, Jesse avait été incapable de freiner après la ligne d’arrivée, et avait failli tomber dans la fosse creusée par Leni Riefenstahl pour filmer les athlètes en contre-plongée. L’accident, qui aurait mis fin à sa participation aux Jeux, avait été évité de justesse. Il avait provoqué les protestations du CIO qui avait exigé la fermeture de toutes les fosses, avant de se rétracter suite aux protestations de Leni auprès du comte de Baillet-Latour.
    Jesse était visiblement en forme. Cette finale des 100 mètres était la course de sa vie. Il gagna la piste et, à l’aide d’une petite pelle, creusa deux trous dans la cendrée friable. A l’appel de son nom, il se leva, salua la foule en joignant les mains, fit quelques exercices d’assouplissement, sautilla sur place pour se dégourdir, puis ôta son survêtement. Dans la loge présidentielle, Hitler s’agita sur son siège et serra les poings.
    —  Auf die Plätze !
    La voix du colossal starter Miller, qui avait déjà officié à Amsterdam et à Los Angeles, retentit. Portant le dossard 733, Jesse Owens s’agenouilla derrière la ligne de départ, dans le premier couloir, aux côtés de ses compatriotes Frank Wykoff et Ralph Metcalfe, du Hollandais Martinus Osendarp, de l’Allemand Erich Borchmeyern et du Suédois Lennart Strandberg. Il prit appui dans ses trous, cala ses pieds contre les petits murets 1 , leva la tête et, les doigts tendus, fixa la ligne d’arrivée avec des yeux ronds, presque étonnés. A ce moment précis, à quoi pensent les coureurs ? Revoient-ils en accéléré le film de leur carrière, tous les efforts consentis pour en arriver là ? Pensent-ils à leur pays, à leur famille, à la ferveur de tous ceux qui les soutiennent ? Prient-ils en silence, puisent-ils dans leur foi la force nécessaire pour aller plus vite que les autres ? Ou ne songent-ils à rien, préférant faire le vide dans leur tête ? Bien qu’il fût entouré par des milliers de spectateurs, Jesse se sentit subitement seul. Il se replia sur lui-même et se dit que neuf années de travail allaient se jouer dans les dix secondes à venir. Il se concentra, les muscles bandés, dans l’attente du signal.
    —  Fertig ! enchaîna Miller, les jambes écartées, le pistolet en l’air.
    Le coup de feu partit. Jesse s’élança. « Bon départ », murmura Larry Snyder en plissant les yeux. Son protégé semblait survolté. Ses foulées étaient étroites mais véloces, ses mains coupaient l’air dans un mouvement de balancier qui projetait ses mains ouvertes jusqu’à son visage. Il gardait le buste droit, donnant l’impression que sa tête et ses épaules ne participaient en rien à l’action ; ses pointes semblaient ne pas toucher le sol, comme s’il s’envolait, comme s’il traversait un tapis de charbons ardents. Jusqu’à mi-parcours, il resta sur la même ligne que ses adversaires, puis il se détacha brusquement. « Un sprint de vitesse pure se gagne au finish, lui disait Riley. Ce sont toujours les finishers

Weitere Kostenlose Bücher