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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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l’entrée.
    — Sauriez-vous m’indiquer où se trouve Jesse Owens ? lui demanda-t-elle en montrant sa carte d’accréditation.
    — A la salle de massage, répondit-il en lui indiquant le chemin.
    La journaliste suivit un long couloir et déboucha dans une salle qui fleurait l’huile et l’onguent. Deux athlètes noirs se trouvaient là, nus, allongés sur des lits pliants, un troisième attendait son tour en feuilletant machinalement la gazette des Jeux.
    —  Hey ! L’endroit est réservé aux hommes ! protesta un soigneur en lui barrant la route.
    — Je suis une journaliste de L’Auto , répliqua-t-elle. J’ai obtenu l’autorisation d’interviewer ces messieurs.
    — Vous ne pourriez pas attendre la fin de la séance ?
    — Laisse-la faire son boulot, Jack ! intervint Jesse Owens. Où est le mal ? Pendant que vous nous massez, nous pouvons très bien répondre aux questions de madame !
    Torse nu, une serviette blanche autour de la taille, il s’approcha de Claire.
    — Jesse Owens, pour vous servir. Et lui, c’est Jack Urbu, notre masseur.
    — Enchantée ! Vous avez sans doute constaté que la presse allemande de ce jour est très élogieuse à votre égard ! fit-elle en désignant du menton la gazette qu’il avait à la main.
    — En effet, répondit-il. Ils me surnomment « La Flèche noire » ! Mais je ne suis pas sûr que leurs dirigeants soient aussi laudatifs !
    Claire dévisagea son interlocuteur. C’était la première fois qu’elle le voyait d’aussi près. Il avait les yeux rieurs, un large front bombé et les cheveux coupés court. Ses traits étaient beaux, malgré ses oreilles légèrement décollées et ses dents en avant. Son corps était superbe : larges épaules, jambes bien galbées, mollets et bras musclés.
    — Vous attendiez-vous à gagner le 100 mètres ?
    — Je croyais avoir déjà atteint mes limites. Mais en foulant le sol de Berlin, j’ai eu le sentiment que je pouvais courir encore plus vite !
    — Comment vous sentez-vous avant l’épreuve de saut en longueur ?
    — En forme, répondit-il en haussant les épaules. Mon entraîneur Larry Snyder craint toujours que je ne me blesse en sautant : il m’a recommandé la plus grande prudence pour ne pas compromettre mes chances dans l’épreuve du 200 mètres. Mais moi, j’aime tellement le saut que je ne suis pas sûr de vouloir lui obéir !
    — La dernière fois que vous avez battu un record du monde, vous souffriez du dos, m’a-t-on dit. C’est à croire qu’il n’y a pas plus dangereux qu’un Jesse Owens blessé !
    — Vous ne vous trompez pas : mes chaussures à pointes, achetées ici à Berlin, se sont révélées trop étroites ; elles me serraient si fort que j’ai couru du plus vite que je pouvais pour les ôter rapidement !
    Claire éclata de rire.
    — Vous êtes marié, n’est-ce pas ?
    — Oui, je viens d’entendre ma femme à la radio. Elle est si fière de ma victoire !
    La Française le remercia et alla interroger son rival, Ralph Metcalfe, alias « L’Express du Michigan », qui s’était abandonné aux mains expertes de Harry Morriss, le deuxième masseur de l’équipe. Avec ses cheveux gominés et sa petite moustache, Ralph ressemblait un peu à Douglas Fairbanks. Mais sa carrure imposante et son nez proéminent le rendaient bien moins séduisant que le « roi de Hollywood ».
    — N’êtes-vous pas déçu de votre deuxième place ? lui demanda-t-elle d’emblée.
    — Mon problème, c’est que je suis plus lourd que Jesse. Quand la piste est détrempée, je suis pénalisé. Et puis, vous savez, je suis arrivé à l’âge limite pour un coureur de vitesse : à vingt-six ans, j’en suis à ma douzième année d’athlétisme. Jesse a tout l’avenir devant lui !
    — Pensez-vous qu’il puisse faire mieux encore ?
    Il se redressa sur les coudes et martela d’un ton ferme :
    — C’est à mon avis le meilleur champion que le sprint mondial ait connu. Vous verrez, il ira de record en record !
    — Et vous, que comptez-vous faire après les Jeux ?
    — Je viens de terminer mes études à l’université de Marquette, dans le Wisconsin. J’aimerais devenir coach d’athlétisme. Comme Larry Snyder.
    Claire le remercia et se dirigea vers le troisième athlète : John Woodruff, un surprenant colosse d’1,89 mètre. Slim – c’était son surnom – avait les cheveux crépus, la figure maussade, des traits sans finesse, mais

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