Berlin 36
conquérir que de bien lutter. »
Puis le président du Comité d’organisation prit la parole. Le Dr Lewald remercia le Führer et prononça en allemand un discours que Leni trouva terriblement ennuyeux. Vint le tour d’Adolf Hitler. La tête nue, les mains croisées sur le ventre à la manière d’un communiant, le Führer annonça l’ouverture des Jeux :
« Je déclare ouverts les jeux Olympiques de Berlin qui célèbrent les XI es olympiades de l’ère moderne. »
Leni hocha la tête. Hitler n’avait pas besoin de longs discours pour conquérir son public. Sa voix était empreinte d’une force, d’une chaleur, qui électrisaient les foules. « Il a manqué sa vocation d’acteur », se dit-elle en le filmant. Aussitôt, fut hissée l’immense bannière olympique tandis que retentissaient des coups de canon et que s’ébranlait la cloche colossale du Glockenturm. Au même moment, trente mille pigeons, symboles de paix, furent lâchés par les Jeunesses hitlériennes et s’envolèrent au rythme d’un hymne entonné par un millier de choristes accompagnés par l’Orchestre philharmonique de Berlin, dirigé par Richard Strauss en personne. C’est alors qu’apparut, au milieu d’une haie de SA et de SS faisant le salut nazi, Erik Schilgen, champion d’Allemagne du 1 500 mètres, les cheveux blonds au vent, un flambeau à la main. Il dévala les degrés de l’entrée monumentale, effectua un demi-tour de piste devant près de cinq mille officiels et athlètes réunis sur le terrain et parvint à la porte Marathon où se trouvait la vasque. Il gravit les marches qui y menaient, marqua un temps d’arrêt, tendit la torche vers le ciel, puis la pencha légèrement : la flamme olympique jaillit aussitôt. Leni frissonna. Elle avait filmé l’allumage de cette torche en Grèce. Transportée par plus de trois mille coureurs à travers sept pays, la voilà qui arrivait à bon port !
L’Allemand Rudolf Ismayr, médaillé d’or en haltérophilie aux Jeux de Los Angeles, s’avança à son tour et prononça le serment olympique en tenant de la main gauche le drapeau à croix gammée. Le choeur entonna alors l’Alléluia du Messie de Haendel, tandis que Spiridon Louys offrait un rameau d’olivier à Hitler en lui disant : « Je vous présente cette branche d’olivier, comme symbole d’amour et de paix. Nous espérons que toutes les nations se rencontreront toujours dans de telles compétitions pacifiques. »
Un ballet géant acheva la cérémonie. Conçu par Mary Wigman, il fut interprété par des centaines de danseurs accompagnés d’un millier de choristes. Impressionnée par le spectacle, Leni Riefenstahl se sentit fière d’être allemande.
*
Larry Snyder arriva tout essoufflé et pénétra dans le pavillon réservé aux Américains. Jesse Owens et David Albritton étaient assis devant un poste qui diffusait des images en noir et blanc. Ils n’avaient pas participé à la cérémonie d’ouverture pour mieux se reposer en vue des épreuves du lendemain.
— Hey, guys ! J’ai enfin vos pompes !
Sans se lever, Jesse examina les chaussures à pointes que son entraîneur venait de lui acheter. Elles étaient en peau de kangourou, de couleur marron, avec un double chevron sur les côtés, et leur semelle plate et souple était munie de clous acérés 2 .
— Je viens de me les procurer dans un magasin d’articles de sport en ville, expliqua Snyder. C’est ce qui se fait de mieux pour la course !
— Merci, coach, dit Jesse en caressant religieusement ses chaussures. Je les essaierai demain au stade.
— J’espère qu’elles t’iront bien !
Le coureur éclata de rire.
— Si elles me gênent, tant mieux ! La douleur m’aiguillonnera comme un éperon, j’irai plus vite encore !
Snyder lui donna une tape sur la joue puis, s’approchant de l’appareil qui captait son attention, lui demanda en fronçant les sourcils :
— Qu’est-ce que c’est ?
— Une télévision, expliqua Dave sans détourner son regard du poste. Elle transmet en direct la cérémonie d’ouverture. C’est comme une radio, mais avec les images en plus.
— Amazing ! s’exclama Snyder, les mains sur les hanches. Mais l’image n’est pas très nette…
— C’est tout nouveau, répliqua Jesse. Ils n’ont pas encore eu le temps de bien régler la transmission…
— Vous avez vu Hitler ?
— Ouais, ricana Dave. Il ressemble à Charlie
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