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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
Autoren: Michèle Cotta
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L’Express , avec Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber, a fait le reste.

    L’objectivité absolue n’existe pas. Pas plus chez un journaliste que chez n’importe quel citoyen. Nous avons tous des parents, des professeurs, des proches engagés ou pas : mon père l’était, au parti socialiste SFIO dans l’immédiat après-guerre. Notre passé, notre histoire personnelle nous soufflent des attitudes, des pensées, des comportements politiques. Ils expliquent qu’après quelques mois de stage à France-Observateur ce soit à L’Express , journal engagé dans le combat mendésiste, puis dans la lutte contre la guerre d’Algérie, hebdomadaire classé dans les années 60 comme un organe de la gauche décolonisatrice, républicaine et antigaulliste, que j’ai commencé d’écrire.
    Mais le journalisme est un drôle de métier. À moins de s’y spécialiser dans la polémique – ce qui est, sinon un autre métier, du moins une autre orientation du métier –, la fréquentation des acteurs de la vie publique, si convaincus, quoique si changeants, si persuadés de la justesse de leurs vues, quoique parfois incapables de résister à l’expérience du pouvoir, si déterminés, quoique si fragiles, est de nature à ouvrir les esprits à l’analyse, y compris les plus réfractaires. Je ne le suis pas.
    Pour chercher la réalité derrière la fiction (ou le mensonge), pour peser les différences entre les actes et les mots, mesurer l’abîme qui sépare les intentions des réalisations, il faut bien perdre un peu de ses présupposés politiques : écouter les arguments, suivre les cheminements ; rechercher les itinéraires – parfois complexes – des uns et des autres ; ne pas vouloir à tout prix juger, mais comprendre ; ne pas plaquer sur les faits ses propres schémas, mais au moins les confronter avec d’autres.

    Les hommes – et les femmes – politiques ne sont pas tous à l’affût de la bonne planque ou de la bonne soupe. Qu’on le veuille ou non, ils ont aussi des convictions, des certitudes, même s’il leur arrive de les abandonner en cours de route. L’argent n’est pas leur seule motivation, même s’il peut l’être aussi pour certains. Les idées ont leur importance dans leur détermination, et aussi les stratégies, faites de grands et parfois petits calculs, de nobles ou moins nobles ambitions.
    Aussi les notes prises pendant toutes ces années sont-elles le plus souvent dénuées de parti-pris, les héros de ces cahiers étant différentset pourtant d’une certaine façon semblables. François Mitterrand et Jacques Chirac, Edgar et Maurice Faure, Valéry Giscard d’Estaing, Olivier Guichard ou Roland Leroy, tous, à un moment donné – parfois critique – dans leur vie politique, m’ont fait part de leurs volontés ou de leurs doutes, ont tracé pour moi, derrière les propos de tribune, leurs perspectives, leurs ambitions secrètes, ou bien sont parfois revenus, sans complaisance, sur leurs échecs.

    Il me faut évoquer ici, bien sûr, ce qu’on appelle la « connivence » entre journalistes et politiques. Je n’ai jamais vraiment bien compris, même si, depuis quelques années, la question m’a été posée à de nombreuses reprises, la critique implicite cachée derrière ce mot. Je n’ai jamais imaginé un instant que l’on puisse écrire sur les leaders et leurs troupes, sur les gouvernants et ceux, parfois courtisans, qui les entourent, sans les connaître. Que l’on puisse rapporter leurs propos sans les avoir jamais approchés, solliciter leurs explications ou leurs confidences sans se donner la peine de les entendre.
    Le contact, l’écoute ne créent pas la connivence. Ce qui la crée le plus souvent, c’est l’ignorance. Il ne suffit pas de ne pas rencontrer quelqu’un pour écrire ou parler de lui avec une plus grande liberté. La liberté d’un journaliste, me semble-t-il, réside davantage dans la volonté de prendre ses distances vis-à-vis d’un interlocuteur que dans l’obligation de tout ignorer de lui. Les barrières entre un journaliste et la personne sur laquelle il écrit, le sujet qu’il analyse sont plus solides et résistent mieux, au contraire, lorsqu’on refuse de se boucher les yeux et les oreilles.

    Un mot encore. Le lecteur ne trouvera ici que des choses vues, des événements vécus, des rencontres, des conversations au fil des jours. Je n’ai à aucun moment voulu faire œuvre d’historienne.
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