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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
Autoren: Michèle Cotta
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rôle et de l’influence de la presse. Il a été en quelque sorte battu par procuration. Il a l’impression que, à la place de Defferre, il aurait renversé les montagnes.
    Son doute reflète celui de toute la gauche.

    (C’est pendant l’été 1965 qu’Antoine Pinay, profitant de ce que la gauche est au point mort, sort de son silence. Il avait dit en mai, dans Nice-Matin   : « Je n’envisage pas de poser ma candidature à la présidence de la République ; toutefois, si la France avait besoin de moi, je n’hésiterais pas un seul instant. »
    En juin et juillet, il occupe dans la presse le terrain que Defferre n’occupe plus.
    Dans L’Express des 23-29 août, il fait de nouvelles déclarations : « J’ai toujours dit que je ne souhaite pas être candidat, mais je n’ai pris aucun engagement d’aucune sorte : je suis un homme libre. »
    Cela suffit pour alimenter la rumeur de sa candidature.)

    20 juillet
    Rendez-vous aux Deux-Magots avec François Mitterrand avant son départ pour Hossegor. Jean-Jacques Servan-Schreiber m’a demandé d’aller le « sonder » sur ses intentions. Je ne le lui cache évidemment pas.
    Il me raconte à quel point l’échec du projet de grande fédération de Gaston Defferre a changé la donne politique. Il a montré que l’ouverture vers le MRP n’est pas réalisable, que les embûches de Guy Mollet étaient permanentes. Lui, Mitterrand, n’a rien dit pendant tout le temps qu’a duré la tentative de Defferre ; la preuve : il avait même affirmé son soutien au candidat socialiste devant sa petite Convention des institutions républicaines, au printemps. Mais, maintenant, la page est tournée, les hypothèques levées.
    « Gaston Defferre a eu raison, dit-il, lorsqu’il a pensé qu’il fallait ouvrir la campagne ; il a eu raison lorsqu’il a prôné la nécessité d’un regroupement pour créer un fort courant d’opinion. Lui et Servan-Schreiber ont misé sur le MRP. Moi, je dis aujourd’hui : oui, il faut créer un nouveau courant autour d’un regroupement de forces politiques. La voie est fermée à droite ? Il faut passer par la gauche ! »
    Pense-t-il être lui-même candidat ? Évidemment oui, me répond-il, mais il ne le sera que si trois éléments sont réunis :
    Le premier est l’appui de Mendès France. Diable, l’a-t-il ? Il m’affirme : « Mendès est celui de tous les hommes politiques qui, aujourd’hui, insistent le plus pour que je me présente. »
    Deuxième condition : le feu vert du Parti socialiste. « On m’a répété, me dit-il, que Mollet avait dit : c’est Mitterrand à 999 chances sur 1 000. Et encore, la millième, c’est pour qu’on en discute. » Mais est-il sûr que Gaston Defferre ait définitivement abandonné la partie ? Mitterrand en est certain : Defferre a laissé condamner ses troupes au conseil national de juillet sans même intervenir. Les militants SFIO ne se mobiliseront plus jamais pour lui.
    Troisième condition : le feu orange du Parti communiste. « Feu orange », l’expression est nouvelle ; elle vient, me dit-il, de Charles Hernu. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Explication : « Cela veut dire que je ne négocierai pas avec le PC. Je ne parlerai pas directement avec eux. C’est au Parti socialiste de le faire. S’ils se mettent d’accord sur quelques propositions, je serai d’accord aussi. Mais cela ne passera pas par moi. »
    Il conclut : « Sans ces trois éléments, je ne serai pas candidat. D’ailleurs, la question ne se pose pas tout de suite. Il serait très maladroit de me présenter maintenant, quand tous les Français sont en vacances. Je ne veux pas être le candidat du vide. »
    Je le quitte devant l’église de Saint-Germain-des-Prés, convaincue qu’il sera candidat à la rentrée.
    « Croyez-moi, ajoute-t-il en me quittant, je n’ai aucun scrupule à recevoir les voix communistes. Si j’en ai l’occasion, je dirai : “Certains préfèrent la voix de M. de Rothschild ? Moi, je préfère celle d’un ouvrier, question de goût !” »
    Il doit partir pour Hossegor dans les jours qui viennent.

    6 septembre
    Jean-Jacques a dîné hier soir, dimanche, avec Mitterrand, rentré de vacances, chez Thierry de Clermont-Tonnerre, directeur de Plon. Il y avait là Jean Ferniot et Raymond Tournoux 5 .
    Il a trouvé Mitterrand flou, indécis. Il ne partage pas du tout ma conviction de la fin juillet, puisque, lui rendant compte alors
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