Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
répond Mitterrand, je m’en charge. »
« Bon, a conclu gentiment Daniel Mayer, si vous pensez que vous êtes mieux placé que moi, allez-y. Je ne ferai rien qui puisse vous gêner. »
Le 9 au matin, juste avant notre propre rencontre, il se rend chez Maurice Faure 7 , qui est de très mauvaise humeur. Faure est partisand’une candidature centriste, et pas du tout d’un soutien à un candidat d’une fédération qui bénéficierait éventuellement du soutien communiste. Et pourquoi pas la sienne ? Las, il pensait avoir le soutien de Guy Mollet, qui le lui avait confirmé en juillet. Mais celui-ci lui aurait affirmé la veille, au cours d’un déjeuner, que, tout compte fait, la candidature de François Mitterrand lui paraissait préférable.
« Mais c’est le Front populaire ! s’est exclamé Maurice Faure.
– Ça ne me fait pas peur, lui a répondu Guy Mollet. Et à vous ? »
Alors, évidemment, quand Mitterrand arrive au Parti radical, au lendemain du lâchage de Guy Mollet, Maurice Faure ne lui fait pas très bonne figure. Il est brutal, sincère : « Que voulez-vous que je fasse ? dit-il à son interlocuteur. Je ne vais pas me présenter avec un programme européen sans l’appui des socialistes ! Je vais faire deux millions de voix, et je discréditerai l’idée d’Europe. Bon, allez-y, faites-le, votre Front populaire ! »
Ce n’est pas chaleureux. Mais Mitterrand ne demande pas son reste et il fonce dans son ID noire, qu’il conduit très mal, chez Guy Mollet, cité Malesherbes.
Là, tout est allé très vite :
« Vous m’aviez dit un jour que vous ne seriez pas hostile à ma candidature. Voilà, je suis candidat, si vous le voulez.
– Aujourd’hui ? Mais c’est le jour de la conférence de De Gaulle !
– Justement, c’est aujourd’hui qu’il faut se déclarer », lui répond Mitterrand, qui expose brièvement les points essentiels de son programme.
Une demi-heure, et il a l’aval du secrétaire général du Parti socialiste.
Reste le PC. Ça, c’est une autre paire de manches ! Je n’arrive pas à savoir par quel canal Mitterrand a consulté le PC et s’est assuré qu’il n’y avait pas de « feu rouge » contre lui. Je suis certaine qu’il n’a pas pris le risque de rencontrer lui-même Waldeck Rochet, mais il y a au moins trois personnes autour de lui qui ont pu prendre ces contacts : Claude Estier, qui, ancien rédacteur en chef de Libération , entretient depuis longtemps un dialogue avec les communistes (mais il me dit que ce n’est pas lui) ; Roland Dumas, qui sert toujours d’agent de liaison politique de F. Mitterrand ; et Charles Hernu, qui a le contact avec les communistes depuis belle lurette, au sein – je crois – des « Colloques juridiques ».
C’est rue Guynemer, au domicile de Mitterrand, que l’équipe de campagne a donc mis au point le texte définitif de sa déclaration. Une foisce texte élaboré, c’est lui-même qui a appelé le desk de l’AFP. Il a demandé qu’on le communique par téléphone à Guy Mollet. Quelqu’un lui a fait remarquer que les écoutes téléphoniques ne sont pas faites pour les chiens, et qu’elles ont sûrement été posées rue Guynemer. « Tant pis, dit Mitterrand, le temps que le texte soit retransmis par le fonctionnaire des écoutes à l’Intérieur, il sera sur tous les téléscripteurs ! »
Charles Hernu a donc appelé Guy Mollet, qui lui a confirmé son accord sans réserve avec la déclaration de Mitterrand.
C’est le lendemain, vendredi 10, que l’acte constitutif de la « petite fédération » (par contraste avec celle qu’envisageait Defferre, baptisée la « grande ») est paraphé par la SFIO, le Parti radical, l’UDSR et les clubs de la Convention des institutions républicaines. À peine constituée, elle se rallie à la candidature de François Mitterrand.
14 septembre
À son domicile, au 87, boulevard Suchet, ce mardi, Antoine Pinay 8 reçoit sept émissaires du comité des démocrates. En réalité, il y en a huit : Jean Lecanuet, Joseph Fontanet et Abelin pour le MRP, Maurice Faure et deux de ses lieutenants pour le Parti radical, Pierre Baudis pour le CNI, et Théo Braun, secrétaire du comité des démocrates. La présence de Jacques Duhamel 9 était annoncée, mais, bizarrement, il n’est pas là lorsque photographes et journalistes se bousculent au bas de l’immeuble.
Pinay sera-t-il candidat ? Annoncera-t-il qu’il n’a jamais
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