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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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libres afin qu'elles puissent se faire également entendre, et lutter contre les trop grosses stations qui n'aspiraient qu'à les écraser.
    Pour ce faire, je me suis heurtée – parfois trop – à ceux qui m'avaient nommée et se reprochaient de l'avoir fait.
    Aujourd'hui, de la part de ceux qui arrivent au pouvoir, j'entends la même rengaine en matière d'audiovisuel : les présidents de chaînes doivent être changés sans doute pour mieux obéir et se conformer à la nouvelle majorité. La loi de 1982 est bonne à jeter aux chiens. Les directeurs de l'information nommés depuis 1982 sont à remercier de toute urgence. L'expérience des uns ne sert jamais aux autres : le gouvernement va vouloir nommer ses amis, croyant ainsi dominer l'information, et il n'y arrivera pas plus ni mieux que les précédents.
    Je me trompe peut-être, mais il m'a semblé que Chirac lui-même trouvait absurde l'idée de Mitterrand de vouloir créer une Haute Autorité indépendante. S'il en fait une, lui, il ne commettra pas les mêmes erreurs. Il y placera des gens qu'il pense lui être solidement acquis. Il ne mettra pas un journaliste aux commandes, et ne se lancera dans aucun couplet sur l'indépendance qu'il attend !
    Sans se rendre compte que, sitôt nommés, les présidents de chaînes n'auront rien de plus pressé que de montrer qu'ils ne doivent leur nomination à personne d'autre qu'à eux-mêmes, surtout pas au pouvoir politique en place.
    En attendant les prochains épisodes, aujourd'hui le glas sonne pour moi. Il est bien tard, Docteur Chirac...

    4 avril
    Ah, il faut les voir, mes compagnons d'infortune ! Chacun réagit à sa manière. Avec humour, Paul Guimard s'en va au Festival du film policier de Cognac en arborant un badge ANPE au revers de sa veste de cachemire. Marc Paillet théorise la cohabitation. Gilbert Comte, toujours aussi petit, distribue les anathèmes : une partie vise à mettre dans la tête de mes collègues de la Haute Autorité l'idée que je négocierais avec Chirac un superbe poste.
    Ce que je ne ferais pas, quand bien même on m'y inviterait.
    Les trois membres qui appartenaient à l'opposition aujourd'hui devenue majoritaire se sentent presque coupables : ils sont assurés, eux, de rester dans la nouvelle institution qui viendra remplacer la Haute Autorité, et ne savent pas très bien quelle attitude adopter avec moi. Jean Autin pousse dix fois par jour la porte de mon bureau : « Michèle, le Conseil d'État, ça vous irait ? » Certes non. « Michèle, et la Sofirad ? » Pas davantage.
    Gabriel de Broglie, une fois de plus, est à la fois plus discret et plus présent : il sait, parce que je le lui ai dit, que je veux le plus tôt possible m'en retourner au journalisme.
    Il me fait valoir qu'après avoir occupé un poste comme le mien, c'est rabaisser la fonction que de recommencer à faire le journaleux sur une chaîne de radio ou de télévision.
    Reste Daniel Karlin, comme moi désireux de revenir le plus vite possible à son métier, et qui a déjà en tête un tas de projets sur la justice en France. Nous sommes tous deux devenus amis pour la vie. Enfin, nous le croyons.

    9 avril
    Vu Mitterrand à 16 heures. Je note au plus vite pour oublier le moins de choses possible.
    J'arrive, traversant le bureau d'Attali qui me fait la tête, sans doute parce que Mitterrand ne lui a pas demandé d'assister à notre entretien et qu'il déteste être mis à l'écart, ne serait-ce qu'une minute, de l'activité du Président.
    En entrant dans le bureau de ce dernier, alors que je ne suis plus venue à l'Élysée depuis 1984 (après mon insubordination d'alors), je me dis que tout ce qui nous a opposés au cours de cette période était finalement dérisoire. Est-ce parce que le temps a passé ? Est-ce parce que l'échec de la gauche tout entière a relégué au second plan les querelles picrocholines des nominations audiovisuelles ?
    En tout cas, nous sommes là tous deux et nous ne reparlons pas de ce qui a opposé le Président à l'institution qu'il m'avait demandé de présider. Il ne m'en dit pas un mot, du genre : tout ce qui s'est passé, la défaite, la montée de l'opposition, le succès de Chirac, c'est votre faute, la faute de l'audiovisuel... J'ai plutôt l'impression qu'il reprend la conversation à l'endroit où il l'avait arrêtée avec moi, en 1981 :
    « Je m'y attendais, à cette défaite, me dit-il. Voilà quatre ans que je dis que nous allons perdre les

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