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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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loi de 1982. Donc, en finir avec la Haute Autorité dès que ce sera fait, sans doute à l'automne.
    Lorsque je pénètre dans l'antichambre de son ministère, rue de Valois, qui porte encore fortement la marque de Jack Lang, tout juste parti, je tombe sur le maître d'hôtel de ce dernier, complètement démoralisé, qui me dit, les larmes aux yeux, à quel point il regrette le précédent ministre. Il reste, me dit-il, parce qu'il ne peut faire autrement.
    On me conduit aussitôt dans l'étroit salon rouge où le ministre a coutume de demander qu'on conduise ceux qui ne doivent pas être vus. À peine y suis-je assise que débarque le sympathique Jean-Paul Baudecroux.
    Ici, un mot, au passage, sur NRJ dont le président, ledit Baudecroux, n'a cessé de multiplier les pressions sur les différents gouvernements socialistes en leur faisant croire, à ces benêts, qu'il allait dispenser sur ses ondes des informations allant dans le bon sens : le leur. Et qu'il fallait donc le laisser faire ce qu'il voulait, émettre avec une puissance telle qu'une dizaine de radios parisiennes ne pouvaient plus se faire entendre, écraser les autres et ne pas respecter la loi sur les fréquences. Le nombre de leaders socialistes que j'ai entendus pendant toute cette période me dire que la Haute Autorité était injuste avec Jean-Paul Baudecroux est incommensurable. Lorsque nous avons voulu le ramener à sa puissance initiale, l'ordre a été donné à qui de droit, le président de TDF, un ingénieur aux ordres, de ne pas nous obéir et d'attendre un peu.
    Eh bien, ce même Baudecroux, tellement socialiste, est évidemment l'un des premiers à venir plaider sa cause auprès de Léotard. Plus giscardien que lui, désormais, il n'y a pas !
    Inutile de préciser qu'il n'apprécie pas ce face-à-face avec moi dans le salon d'attente ministériel...
    Léotard me reçoit avec mon ami Xavier Gouyou-Beauchamps, qui est venu le rejoindre comme directeur de cabinet. Ils me disent ce qu'ils ont à me dire : que la loi va être changée et qu'ils me demandent de rester jusqu'à la fin du processus législatif.
    Je ne m'attarde pas et dit au revoir, en repartant, à l'efficace Baudecroux.

    1 er -2 avril
    Hier, ce que j'attendais depuis plusieurs jours déjà est arrivé. Au matin, mardi 1 er , coup de téléphone de Jacques Chirac : la vie de la Haute Autorité s'achève, me dit-il, avec les honneurs de la guerre... et la paille aux fesses ! comme il aime lui-même à le dire (il ne me l'a pas dit, c'est moi qui imagine qu'il le pensait au moment même où il me parlait des honneurs de la guerre !).
    Coup de téléphone charmant, au demeurant, voix chaleureuse, affirmation d'amitié. Suivi, sur le ton de la sympathie, d'un « Tu gicles ! » dépourvu de toute ambiguïté.
    Il se croit obligé de continuer : tu dois quitter ce poste par le haut, tu peux me demander ce que tu veux, je suis ton débiteur, etc., etc.
    Dans la pratique, ce discours veut dire :
    – qu'il est obligé d'aller vite pour défaire ce que le gouvernement précédent a fait, notamment avec la Cinq : il entend offrir la concession à la CLT, et non pas à Jérôme Seydoux et à son tour de table. Il est tenu par le temps puisque, selon lui, le Conseil d'État va annuler la concession de la Cinq le 12 avril prochain ;
    – que la majorité (notamment les giscardiens, qui ont toujours crié à l'illégitimité de la Haute Autorité) a fait pression pour la faire disparaître le plus tôt possible, quitte à en mettre une autre à la place, qui sera sans doute au moins aussi critiquée que nous l'avons été ;
    – qu'il est relativement emmerdé pour moi (d'autant plus que, me rencontrant à l'occasion de l'enregistrement de la campagne officielle, il m'avait juré que la Haute Autorité ne serait pas menacée), mais que c'est la vie ! Il a raison ;
    – qu'il se débarrassera de tous les présidents de chaînes que nous avons nommés dans la plus grande liberté, cette fois, en 1985, et en premier lieu d'Hervé Bourges dans les plus brefs délais.
    Je me livre, en raccrochant poliment, à quelques méditations sur l'indépendance. J'ai cru qu'il était important de ménager des équilibres entre majorité et opposition, qu'il était de mon devoir – de notre devoir – d'assurer des droits de réponse à l'opposition, de surveiller de manière équitable les campagnes électorales. J'ai cru qu'il fallait préserver les chances de toutes les radios

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