Cathares
mal de vocations du côté des faussaires. Je peux regarder ?
Pierre acquiesça et son père prit la colombe. Il observa la pièce avec l’oeil d’un connaisseur. Il détailla la sculpture et la qualité du matériau. L’oiseau était bien conforme aux rares représentations laissées par les Cathares, mais quelque chose clochait.
— J’ai bien peur qu’il ne s’agisse d’un faux, conclut Maurice en faisant une grimace dubitative. De toute évidence, le polissage a été effectué avec un outil moderne comme une meule électrique ou autre chose du même genre. Tu vois, la patine, là, elle est trop mécanique. Jamais les Cathares n’ont eu accès à ce genre d’outil !
— Ah, répondit Pierre qui ne paraissait pas vraiment étonné par cette révélation. Mais dis-moi, qui t’a mis sur ma trace ? Tu as été en contact avec une certaine Philippa ?
— Philippa ? Non, je ne connais pas de Philippa. J’ai entendu parler de toi à Ussat-les-Bains, mais personne n’avait cité ton nom, on m’a seulement parlé de ta 2CV. Quand j’ai vu ta voiture arriver au village, je n’ai eu qu’à te suivre. Si tu me disais ce qui t’amène ici, je pourrais peut-être t’aider.
— Tu ne penses pas qu’il est un peu tard pour me proposer ton aide ? répondit Pierre en durcissant le ton.
— Le choix t’appartient, répondit Maurice en se levant pour débarrasser la table. J’ai été honnête avec toi, mais je reconnais qu’il est tard et que les torts sont de mon côté. Mais si tu as besoin de quelqu’un, tu sais que je suis là. Si tu veux me joindre, tu n’as qu’à laisser un message au bar de la place. Je serai dans la région pour un bon mois, je pense...
Avant d’aller dans la minuscule cuisine, il ajouta :
— Un petit verre de fine, ça te dirait ?
Pierre le regarda. Tout d’un coup, il avait à nouveau envie de crier. Cette fois, il ne réussissait pas à calmer la colère qui montait en lui.
— Non, merci. Je crois que je vais rentrer. Merci pour le repas !
Pierre se leva et évita de croiser le regard de son père en se dirigeant vers la porte. Il pensait à sa mère et il ressentait l’horrible impression de l’avoir trahie en acceptant l’invitation de l’homme qui l’avait tellement fait souffrir. Une fois dehors, sur la place de Mirepoix, il croisa un groupe d’élèves qu’accompagnait leur instituteur. Les enfants paraissaient très dissipés et le pauvre enseignant avait fort à faire pour maintenir la cohésion de son petit rang. Le Bihan voulait chasser de son esprit le souvenir de ce repas. Il songea que le temps passait et qu’il lui faudrait bientôt rappeler Joyeux pour lui annoncer qu’il ne pouvait pas encore rentrer. Il ne savait pas encore quelle excuse il allait inventer, mais cela ne le gênait pas. Il était convaincu que dans l’immédiat, c’était dans cette région que son avenir se jouait. Il n’avait pas le choix : il devait aller au bout de sa quête.
L’historien était déjà trop loin pour remarquer qu’un homme était entré dans l’immeuble où vivait son père. Quand il lui ouvrit la porte de son appartement, Maurice Le Bihan ne cacha pas sa contrariété.
— Maurice ! s’exclama le visiteur inattendu. Comment vas-tu ?
Sans y être invité, l’homme pénétra dans la pièce.
— Tu croyais nous échapper ? Tu pensais peut-être qu’on allait t’oublier ? Tsss.
Il jeta un coup d’oeil sur le plat qui était resté sur la table.
— Un repas familial ? Comme c’est touchant !
— Je vous en prie, laissez-moi.
— Mes amis pensaient que l’hameçon était trop grossier pour que tu y mordes. Une colombe cathare ! Avoue qu’on pouvait difficilement faire plus alléchant ! Tu me déçois, Maurice. Mais bon, si cela t’a permis de faire de grandes retrouvailles, nous sommes heureux pour toi !
— Laissez-moi, j’ai payé mes dettes.
— Payé ? À qui ? À nous, peut-être, mais pas à la société. J’en connais qui seraient heureux de connaître tes petits trafics pendant la guerre. Je me suis laissé dire que certains collectionneurs au profil sémite ont regretté de t’avoir fait confiance. Mais nous ne te voulons pas de mal, tu le sais.
— Qu’attendez-vous de moi ?
L’homme se servit un verre de fine que Maurice avait posée sur une petite armoire de chêne.
— Pas grand-chose, en fait. On s’intéresse beaucoup plus à ton fiston. Il effectue même une mission pour
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