Catherine des grands chemins
dans ses épaules. Catherine vint à son secours aussitôt.
— On a tenté de m'assassiner, Monseigneur. Cet homme m'a entendue crier... il m'a sauvée.
— Il a bien fait. Tiens... attrape ! Et laisse-nous.
Du bout des doigts, il lança au geôlier une pièce d'or que l'autre attrapa avec l'adresse d'un chat avant de se retirer avec force courbettes et actions de grâce. La Trémoille regarda autour de lui, cherchant où s'asseoir, mais il n'y avait rien, et il prit le parti de rester debout. Mais il tira de sous sa houppelande un sac et le tendit à la prisonnière.
— Tiens ! Tu dois avoir faim. Mange et bois. Après, nous causerons. Mais fais vite.
Catherine mourait de faim. Elle n'avait rien mangé depuis l'avant-veille et ne se le fit pas dire deux fois. Elle dévora le pain et la volaille que contenait le sac, but le vin et adressa au gros chambellan un regard brillant de gratitude.
— Merci, seigneur, vous êtes bon.
Un espoir fou remontait dans son cœur. C'était la première fois qu'elle était seule avec lui, sans risque. Est-ce que le temps était venu de mettre son plan à exécution ? La Trémoille eut un sourire qui plissa son visage en mille petits bourrelets graisseux. Sa main épaisse se posa sur la tête de Catherine, et il murmura d'une voix pateline :
— Tu vois bien que, moi, je ne te veux aucun mal, petite. Tu n'es guère coupable dans tout ceci. Ce n'est pas de ton plein gré, n'est-ce pas, que tu es partie de chez moi ?
— Non. Une jeune fille est venue me chercher, fit Catherine jouant la naïveté, une belle jeune fille blonde.
— Violaine de Champchevrier, je ne la connais que trop ! Elle est la confidente de ma femme, mais, toi, je pense que tu es mon amie, à moi. Souviens-toi, j'ai toujours été bon pour toi, n'est-ce pas ?
— Très bon, seigneur, très secourable.
— Alors, c'est le moment de t'en souvenir. Qu'est- ce que le flacon que tu as brisé, ce tantôt, et dont tu as jeté les débris au visage de la comtesse ?
Catherine baissa la tête comme si elle luttait contre elle-même et ne répondit pas tout de suite. La Trémoille s'impatienta.
— Allons, parle ! Tu n'as aucun intérêt à te taire, bien au contraire.
Elle releva la tête, le regarda bien en face avec un grand air de franchise.
— Vous avez raison. Vous ne m'avez jamais fait de mal, vous. Ce flacon... il contenait un philtre d'amour que la dame m'avait demandé.
Un pli cruel marqua les grosses lèvres de La Trémoille tandis que ses yeux semblaient se rétrécir.
— Un philtre d'amour, hé ? Sais-tu pour qui ?
Cette fois, Catherine n'hésita pas. Il n'était pas question de faire courir le moindre danger au jeune comte du Maine. Elle secoua énergiquement la tête.
— Non, seigneur, je ne sais pas.
Le front du Grand Chambellan s'était rembruni. Il jouait nerveusement avec les pans de la large ceinture dorée qu'il portait, et, un moment, il garda le silence.
— Un philtre d'amour, murmura-t-il enfin. Pour quoi faire ? Ma femme ne cherche pas l'amour, elle ne cherche que le plaisir...
Catherine prit une profonde respiration et noua ensemble ses mains enchaînées, les serrant très fort pour lutter contre l'émotion qui s'emparait d'elle. Le moment était venu de jouer le tout pour le tout, de dire les mots qu'elle était venue dire à cet homme depuis Angers pour le décider à quitter son repaire trop sûr.
— C'est un breuvage très puissant, monseigneur. Il rend celui qui le boit aussi faible qu'un enfant entre les mains de celui qui le fait boire. Et la dame le voulait pour arracher à un homme un grand secret... le secret d'un trésor.
Si prévenue qu'elle fût, elle demeura stupéfaite de l'effet magique du mot. Le gras visage s'empourpra tandis que les yeux du Chambellan lançaient des éclairs. Il saisit Catherine à l'épaule, la secoua brutalement.
— Un trésor ? Que sais-tu de tout cela ? Parle, mais parle donc !
Quel secret, quel trésor ?
Elle joua la terreur à la perfection, se recroquevilla sur elle-même en jetant sur le gros homme des regards apeurés.
— Je ne suis qu'une pauvre fille, seigneur, comment saurais-je de pareils secrets ? Mais j'écoute et je comprends bien des choses. Dans mon lointain pays d'Orient, on parle encore de moines-soldats venus jadis pour défendre le tombeau du Sauveur et qui sont repartis avec de grandes richesses. Quand ils sont revenus au pays des Francs, le Roi d'alors les a tous exterminés...
Du revers de sa manche,
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