Catherine des grands chemins
la faisait pas mettre à mort dans les heures qui allaient suivre, elle pouvait avoir des chances de survivre. C'est au cœur des cachots les plus sombres que l'espoir entre le plus aisément, et celui de Catherine renaissait.
Pourtant, elle ne put s'empêcher de suivre avec une certaine angoisse le déclin du jour dans le soupirail. Quand la nuit serait là, elle serait plongée dans les plus épaisses ténèbres. Peu à peu, en effet, le sinistre décor perdit ses contours. L'ombre engloutit les murs noirs et suintants et vint le moment où Catherine ne vit même plus la tache claire de sa main. Elle eut la désagréable sensation d'une eau profonde et pleine de dangers qui la submergeait tout entière...
Mais, comme si elle avait deviné, du fond de sa prison, l'angoisse de Catherine, la voix de Sara monta des profondeurs de la nuit.
— Dors. Les nuits sont brèves maintenant.
C'était vrai. L'été approchait et le jour était infiniment plus long que la nuit. A force de se tirer les yeux, Catherine parvint même à distinguer le petit rectangle plus pâle de son soupirail. Alors, un peu détendue, elle se laissa aller sur sa paille, ferma les yeux.
Dormait-elle déjà quand un bruit, pourtant léger, la fit sursauter.
Elle était tellement habituée à vivre avec le danger que son sommeil n'avait plus de poids... Elle demeura immobile, l'oreille tendue, retenant même sa respiration. C'était le grincement imperceptible de sa porte qui l'avait éveillée. Quelqu'un entrait ou était entré... Elle perçut le bruit infime que produit, dans le silence, le souffle retenu d'un être vivant... Il y eut un léger grincement contre la pierre du mur et le cœur de Catherine s'arrêta de battre... Qui était là ?
La pensée lui vint que c'étaient peut-être des rats, et, à cette idée, sa chair se hérissa, mais le bruit de tout à l'heure c'était bien sa porte, elle en était sûre. Et puis, l'instant suivant, elle entendit encore le même souffle léger, plus près... encore plus près. Inondée d'une sueur glacée, elle leva la main tout doucement, prenant bien garde à ne pas faire tinter ses chaînes, glissa deux doigts dans sa robe, tira la dague et la tint serrée dans sa main qu'elle rabaissa aussi doucement. Une peur atroce lui labourait les entrailles. Elle se retrouvait soudain, des années en arrière, dans le vieux donjon de Mâlain, où elle devait, chaque nuit, se défendre contre les attaques de la brute qu'on lui avait donnée pour geôlier. Tout recommençait... Mais, cette fois, qui pouvait venir... et dans quelle intention ?
Elle avait si peur qu'un hurlement gonfla sa poitrine, emplit sa gorge et qu'elle dut serrer les dents pour lui barrer le passage. Cette fois, l'homme était tout près... car c'était un homme, elle en était sûre à l'odeur.
Une masse s'abattit soudain sur son ventre, et elle poussa un hurlement qui dut retentir jusqu'au fond des cours. Le poids qui l'écrasait lui parut énorme, mais elle comprit bientôt qu'on cherchait à l'étrangler. Deux mains velues remontaient vers sa gorge, tâtaient son cou. Contre son visage elle sentait un souffle aigre, abominable. Elle se tordit sous l'homme pour dégager son cou, n'y parvint pas. Les mains allaient serrer, elles serraient déjà... Alors, poussée par l'instinct de conservation, par le désir farouche de vivre, elle leva son bras armé, le laissa retomber de toute sa force. La lame s'enfonça jusqu'à la garde dans un dos. Le corps qui écrasait le sien eut un soubresaut tandis qu'un cri bref échappait à l'homme. Mais les mains, privées de leurs forces, glissèrent lentement le long de son flanc, quelque chose de chaud et de poisseux coula lentement sur elle... La dague avait frappé juste. L'homme était mort d'un seul coup... Péniblement, claquant des dents tant elle avait eu peur, Catherine parvint à faire glisser le cadavre sur le côté. Au même moment, la porte du cachot s'ouvrit, deux hommes, dont l'un portait une torche, se précipitèrent et demeurèrent figés au spectacle de Catherine, couverte de sang et enchaînée, mais accroupie auprès d'un cadavre. Elle leva sur eux des yeux de somnambule, reconnut sans même s'en émouvoir Tristan l'Hermite et le bourreau Aycelin.
— Il a essayé de m'étrangler, fit-elle d'une voix sans timbre. Je l'ai tué.
— Grâces soient rendues à Dieu ! marmotta Tristan qui était pâle comme la mort. J'ai eu peur d'arriver trop tard.
Puis, plus haut et se
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