Catherine des grands chemins
savait rien du drame de Calves qu'on lui avait soigneusement caché, mais comme il était difficile de jouer la comédie, de feindre l'apaisante et nécessaire sérénité quand son âme était ravagée d'angoisse ! Chaque minute des trois jours qui venaient de s'écouler avait été pour Catherine une minute de torture. Confiante en ce que lui avait affirmé Sara, elle attendait le retour de Fortunat, et ce retour ne s'était pas encore produit... Mais elle parvint à sourire, tendrement, au vieux visage anxieux.
Soyez sans crainte, Mère. Jamais je ne m'éloignerai de lui. Je voudrais bâtir pour lui une demeure, non loin d'ici, où il pourrait vivre à l'écart des autres, mais d'une manière meilleure, plus conforme à ses goûts, à son rang... J'ai tant rêvé de l'arracher à cette horrible maladrerie.
Les yeux de la malade s'illuminèrent d'une joie intense. Sa main maigre se tendit pour étreindre celle de Catherine.
— Oh oui ! Faites cela. Enlevez-le de ce lieu de misère puisque nous sommes riches maintenant.
— Très riches, Mère, sourit Catherine en retenant ses larmes.
Montsalvy va renaître, plus beau, plus fort qu'avant... Frère Sébastien, l'architecte du couvent, a déjà commencé des plans pour le nouveau château tandis que Saturnin, dirigé par le Frère Placide, s'apprête à ouvrir une carrière du côté de la Truyère. Tout le village aura du travail, dès que les labours seront terminés. Bientôt, vous retrouverez une demeure digne de vous.
Isabelle hocha la tête, avec un mélancolique sourire. Son regard s'attardait à la main de Catherine où l'émeraude de la reine Yolande brillait comme un œil vert. Depuis qu'elle l'avait reçue Catherine n'avait plus quitté cette bague. Voyant que la vieille dame la regardait, elle l'ôta de son doigt, la passa à la main amaigrie, mais encore si belle, qui reposait sur le drap, une main dont la forme nette, presque masculine, rappelait celle d'Arnaud.
— Elle est le gage de l'amitié de Yolande d'Anjou envers notre famille. Voyez ses armes gravées sur la pierre. Gardez-la, mère, elle vous va si bien.
Isabelle contempla le joyau avec un sourire ravi, une joie presque enfantine, puis tourna vers Catherine un regard chargé d'affection.
— Je ne l'accepte que comme un prêt... Bientôt, ma fille, je vous la rendrai. Si, si... Ne protestez pas. Je le sais et j'y suis prête. La mort ne m'effraie pas, au contraire... Elle m'emmènera bientôt auprès de ceux que pleurés toute ma vie, mon cher époux, mon petit Michel que vous aviez voulu sauver. Et c'est très bien ainsi.
Elle demeura un moment silencieuse, admirant l'émeraude qui mettait sur sa main une lumière d'eau profonde. Puis demanda :
— Et le fabuleux diamant noir ? Qu'est-il devenu ?
Le visage de Catherine se contracta légèrement.
— Je l'avais perdu et je l'ai retrouvé. Mais il avait encore fait bien du mal. J'ai juré qu'il n'en ferait plus.
— Comment cela ?
Bientôt, dans quelques jours, j'irai offrir le diamant maudit à la seule qui n'ait rien à redouter de sa puissance diabolique.
— Est-il vraiment si malfaisant ?
Catherine se leva, son regard s'évada de la petite chambre close.
Comme l'autre nuit, elle eut la vision de l'incendie qui avait ravagé Calves. Elle serra les dents pour ne pas crier de douleur puis murmura avec une intraduisible expression de haine et de terreur :
— Plus encore que vous ne croyez. Le mal... il n'a jamais cessé d'en faire. Il en fait encore, presque chaque jour que Dieu crée, mais je saurai bien lui arracher son pouvoir ! J'enchaînerai Satan une nouvelle fois aux pieds de Celle qui, un jour, écrasa le Serpent sous ses pieds nus. Au manteau de la Vierge Noire du Puy, le diamant noir deviendra impuissant.
Des larmes perlaient maintenant aux yeux d'Isabelle, mais une lumière y brillait.
— Vous nous étiez destinée, Catherine. D'instinct, vous retrouvez cette vieille tradition des châtelaines de Montsalvy qui, aux jours de guerre et de danger, s'en allaient au Puy implorer l'aide divine et offrir leurs plus beaux joyaux. Allez, ma fille, vous pensez en vraie Montsalvy.
Catherine ne répondit pas. Entre Isabelle et elle, il n'était plus besoin de mots. Le silence leur suffisait tellement ; désormais, elles savaient se comprendre. D'ailleurs, à cet instant même, l'abbé Bernard entrait chez la malade pour la visite que, chaque soir, il avait pris l'habitude de lui faire. Et Catherine ; après avoir baisé
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