Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
être Gédéon lui-même, bien au chaud au coin de la cheminée de ton oncle Mathieu !
    On se remit en marche et bientôt les prévisions de Frère Étienne s'affirmèrent exactes. Le clocher court du prieuré de Vézac apparut quand on atteignit l'orée du bois, rassurant et paisible dans les écharpes de brumes matinales qui l'enveloppaient.
    À l'aube du jour suivant, Catherine, Frère Étienne et Sara atteignirent les portes d'Aurillac au moment même où elles allaient s'ouvrir. Une corne sonnait sur la muraille et, déjà, le tintamarre des marteaux des chaudronniers emplissait l'air limpide et vif qui, malgré sa vigueur, ne parvenait pas à effacer l'odeur nauséabonde des tanneries. En dépit du froid, l'on pouvait voir, au bord de la Jordanne et à l'ombre du toit moussu de Notre-Dame des Neiges, des hommes penchés sur d'étranges tables inclinées à travers lesquelles coulait l'eau glaciale.
    — L'eau de cette rivière est réputée charrier de l'or, commenta Frère Étienne. Ces hommes la passent sur des tamis recouverts d'une toile à grosse trame pour recueillir les minces parcelles. Voyez, d'ailleurs, comme on les surveille.
    En effet, des gardes armés ne perdaient pas un geste des orpailleurs.
    Debout sur la berge, à quelques pas des ouvriers qui barbotaient dans l'eau rapide, ils se tenaient là, immobiles, appuyés sur leurs piques, l'œil rivé sur les travailleurs. Ceux-ci étaient maigres et mal vêtus de haillons par les trous desquels apparaissaient les peaux bleuies de froid. Ils formaient avec les soldats, vigoureux et bien équipés, un contraste pénible qui frappa Catherine. L'un des hommes de la rivière, surtout, semblait ne se soutenir qu'avec peine. Il était vieux, courbé par l'âge, et ses mains, nouées de rhumatismes, s'agrippaient douloureusement au tamis. Il tremblait de froid et d'épuisement, ce qui semblait réjouir au plus haut point l'un des soudards. Comme le vieux tentait de remonter sur la berge, il lui allongea un coup, du bois de sa lance, qui le déséquilibra. L'un de ses compagnons, un jeune gars encore vigoureux, se jeta à sa poursuite, mais l'eau roulait vite et, à son tour, il perdit l'équilibre sous les éclats de rire de la troupe.
    Une bouffée de colère gonfla le cœur de Catherine. Elle était incapable de supporter un tel spectacle sans rien dire. Sa main nerveuse rencontra, à sa ceinture, la dague d'Arnaud. Avant que Frère Étienne ait pu s'interposer, elle avait dégainé et bondissait, la lame haute, sur l'homme à la lance. Elle ne calculait pas l'infériorité de ses forces ni même le nombre des hommes d'armes. Simplement, elle avait obéi à son impulsion parce qu'elle ne pouvait pas faire autrement... peut-être parce qu'elle n'en pouvait plus de voir toujours le faible malmené et opprimé. Sur le moment elle eut l'avantage de la surprise. La dague s'enfonça dans l'épaule du soldat qui hurla et qui, perdant l'équilibre, roula sur le sol. Catherine, agrippée à lui comme une chatte en colère, tomba par-dessus.
    — Espèce de brute ! tu ne vivras pas assez pour tuer encore d'autres vieillards...
    Comme le dard d'une guêpe, sa dague frappait et frappait encore, au hasard, l'homme qui braillait comme un cochon égorgé sans parvenir à se défendre efficacement. La fureur décuplait chez la jeune femme une irrésistible force nerveuse. Mais les autres hommes d'armes s'étaient ressaisis et tombaient maintenant sur elle comme un essaim de mouches.
    — À l'Écossais ! hurla l'un d'eux. Tue, tue !

    Ce fut ce cri qui sauva Catherine car, sur l'autre rive, un autre lui répondit :
    — En avant, par Saint-André !
    Les orpailleurs eurent tout juste le temps de se garer. Fonçant à travers l'eau écumante, une troupe de cavaliers fondit sur les gardes, l'épée haute. Catherine, qu'une douzaine de mains avaient déjà saisie, se trouva libre tout à coup et se releva. Ses mains étaient pleines de sang et, sous elle, l'homme qu'elle avait attaqué ne respirait plus. Inerte, les yeux grands ouverts en face du ciel bas, il demeura étendu sur la neige tachée de boue et, de sang. Catherine comprit qu'elle l'avait tué, mais chose étrange, n'en éprouva ni répulsion ni remords. L'indignation bouillonnait encore en elle. Froidement, elle alla tremper sa dague dans la Jordanne et la remit à sa ceinture, puis jeta un regard autour d'elle. Le combat se poursuivait, entre les gardes d'Aurillac et le secours inattendu qui lui était venu,

Weitere Kostenlose Bücher