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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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minutes, le moine reparut.
    — Venez, mon enfant, la Reine vous attend !
    Jetant un dernier regard à Sara qui n'avait pas bronché, Catherine suivit Frère Etienne. Il lui fit passer une porte basse où veillaient deux gardes armés de vouges, jambes écartées, immobiles comme des statues. Au-delà s'ouvrait une grande chambre toute tendue de tapisseries à personnages. Une immense cheminée sculptée où brûlait un tronc d'arbre entier l'éclairait avec un bouquet de grands cierges jaunes plantés sur un trépied de bronze. Un lit gigantesque, dont les rideaux de velours pourpre, relevés, étaient frappés des lys de France, occupait un bon quart de cette pièce aux dimensions cependant respectables. Dans le coin opposé, une dame d'honneur brodait, si discrète qu'en ne releva pas la tête à l'entrée de Catherine. D'ailleurs, celle-ci n'eut pas un regard pour elle. Dès l'entrée, elle ne vit que la Reine !
    Assise dans une vaste chaise d'ébène frileusement garnie de coussins, ses pieds étroits posés sur une chaufferette, Yolande la regardait venir et le cœur de Catherine se serra à constater les ravages dont ces trois dernières années avaient marqué le fin et fier visage de la duchesse-reine. Les cheveux d'ébène qui paraissaient sous la sévère coiffe de veuve blanchissaient, les traits se marquaient en creux profonds, le teint mat jaunissait comme jaunissent les parchemins. Ces mois de lutte incessante contre le mauvais génie de la France et contre les ennemis, Anglais et Bourguignons, pesaient lourdement sur les épaules de Yolande. La captivité de son fils, le duc René de Bar1
    tombé aux mains de Philippe de Bourgogne depuis la bataille de Bugnéville avait été un coup d'autant plus terrible que la mère se refusait à l'accuser. A cinquante-quatre ans, la reine des Quatre Royaumes était une vieille femme. Seuls ses magnifiques yeux noirs, impérieux et vifs, gardaient la flamme de la jeunesse. Le corps, qui s'émaciait, se perdait dans les flots des vêtements noirs et des coussins où il se blottissait.
    Mais comme Catherine s'agenouillait à ses pieds, Yolande lui sourit et reconquit d'un seul coup tout son charme. Elle tendit à la jeune femme une main blanche, demeurée parfaite.
    — Mon enfant, dit-elle doucement, vous voici enfin ! Il y a si longtemps que je désire vous voir.
    Une profonde émotion s'empara de Catherine. Elle avait tant souhaité se retrouver là, à cette place de suppliante aux pieds de la seule femme en qui elle eût confiance dans l'entourage du Roi, de tendre vers la reine de Sicile ses mains désarmées et implorantes, d'attendre d'elle aide et secours, qu'elle fut incapable de répondre.
    Cachant son visage dans ses mains tremblantes, elle éclata en sanglots.

    Un instant, Yolande contempla la mince forme écroulée devant elle dans ses vêtements usagés. Elle aussi avait noté la lassitude du ravissant visage, le désespoir des yeux violets, toute cette douleur que chaque trait de Catherine, chacun de ses gestes proclamaient. Puis, avec une exclamation de pitié, elle se leva, saisit la jeune femme dans ses bras et, comme l'eût fait l'humble Sara, appuya maternellement contre son épaule le doux visage en larmes.
    — Pleurez, mon petit, murmura-t-elle, pleurez ! Les larmes soulagent.
    Sans lâcher Catherine, elle se détourna légèrement, éleva la voix.
    1 Le futur et célèbre roi René.
    — Laissez-nous, Madame de Chaumont ! Vous reviendrez dans un moment. Jusque-là, faites préparer une chambre pour Madame de Montsalvy.
    La dame d'honneur plongea dans une révérence silencieuse et disparut sans faire plus de bruit qu'une ombre. Cependant, la Reine conduisait doucement Catherine jusqu'à une grande banquette garnie de velours où elle la fit asseoir auprès d'elle. Là, elle attendit patiemment que cessent les sanglots de la jeune femme. Quand elle la vit plus calme, elle tira de son aumônière un petit flacon d'eau de la reine de Hongrie et en versa quelques gouttes sur un mouchoir dont elle tamponna le visage de Catherine. L'odeur, douce et piquante à la fois, lui rendit pleine conscience et, honteuse, elle s'écarta de Yolande, voulut s'agenouiller de nouveau, mais on la retint d'une main ferme.
    — Causons entre femmes, si vous voulez bien, Catherine ! Si j'ai envoyé Frère Étienne vers vous, ce n'est pas pour vous traiter comme n'importe quelle dame de parage et pleurer avec vous. L'heure approche où nous allons nous débarrasser

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