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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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présence de cet homme avait le don de la terrifier. Son cœur affolé battait sur un rythme effrayant, mais elle n'eut même pas le temps d'ajouter un mot.
    Gilles l'avait saisie aux épaules d'un geste brusque et il avait pris ses lèvres. Mais il la rejeta aussitôt :
    — Pouah ! Tu empestes, ma belle ! C'est qu'aussi on n'est pas sale comme tu l'es !
    Elle s'attendait à tout sauf à cela. Pourtant, chose étrange, elle se sentit ulcérée. Elle savait bien qu'elle était sale, mais se l'entendre dire était insupportable. Cependant, s'écartant d'elle, il frappait dans ses mains. Un garde parut, armé jusqu'aux dents. Il s'entendit intimer l'ordre d'aller chercher deux chambrières. Quand l'homme revint avec les servantes, Gilles de Rais leur désigna Catherine qui, méfiante, demeurait blottie sur son banc.
    — Conduisez cette aimable personne aux étuves. Et prenez-en grand soin. Toi, l'archer, tu veilleras à ce que ma prisonnière ne nous échappe pas.
    Bon gré mal gré, il fallut que Catherine, furieuse et infiniment plus vexée qu'elle ne voulait l'admettre, suivît ses gardiens. Un peu d'amusement se glissait dans sa mauvaise humeur car, derrière son dos, elle avait vu l'une des chambrières diriger contre elle deux doigts en forme de corne. Les deux filles devaient avoir une peur bleue de cette zingar'a dont il leur fallait s'occuper. C'était tout à l'honneur de son déguisement, mais, d'autre part, une inquiétude lui venait troublant désagréablement sa joie d'être bientôt débarrassée de sa crasse ; la teinture de Guillaume l'Enlumineur allait-elle résister au bain ? Ses cheveux étaient toujours du plus beau noir, encore qu'une bonne dose de poussière s'y mêlât et, dans une pochette que Sara avait confectionnée à l'intérieur même de sa chemise, elle avait toujours les deux petites boîtes que le vieil artiste lui avait données. Mais sa peau ?
    Elle fut vite rassurée. La couleur tenait bon. C'est à peine si le bain prit une légère teinte jaunâtre et Catherine s'abandonna tout entière à la volupté de l'eau chaude et des huiles parfumées. Son corps malmené y trouva un extraordinaire bien-être tandis que son esprit s'y délassait aussi. Elle ferma les yeux, essayant de mettre un peu d'ordre dans ses pensées, de calmer l'angoisse tenace qui lui serrait la gorge.
    Ce bain était un répit bienfaisant, inattendu, avant une suite qu'elle osait à peine imaginer. Étendue de tout son long, elle s'efforça de faire le vide dans son esprit. Cet instant de rémission serait peut-être le dernier. Il fallait en profiter pleinement. Après...
    Catherine aurait voulu demeurer des heures dans cette eau tiède où ses douleurs s'apaisaient, où la brûlure des écorchures se faisait plus sourde. Mais, apparemment, Gilles de Rais n'entendait pas la laisser l'oublier trop longtemps. Les chambrières la sortirent enfin de l'eau, la vêtirent d'une fine chemise de soie, puis d'une dalmatique à larges manches, faite d'un lourd samit1 blanc rayé de vert.
    Mais quand les deux femmes voulurent s'occuper de ses cheveux, elle les repoussa et leur montra la porte d'un geste si farouche que les servantes apeurées, craignant sans doute quelque maléfice, n'insistèrent pas et se hâtèrent de lui obéir. Catherine, en effet, ne se souciait pas de leur faire constater que son opulente chevelure noire n'était pas tout à fait à elle.
    Demeurée seule, elle défit ses nattes, brossa et peigna longuement ses cheveux pour les débarrasser de la poussière, puis refit posément sa coiffure qu'elle consolida en tressant des rubans blancs dans ses cheveux, vrais et faux. Ensuite, elle rectifia le tracé de ses sourcils, les lissa d'un doigt soigneux, aviva la teinte de ses lèvres. Pour se battre, même en désespérée, il valait mieux être bien armée et Catherine aimait être en pleine possession de tous ses moyens de femme.
    1 Soie épaisse.
    Propre et bien vêtue, sûre d'être belle malgré son apparence étrange, elle se retrouvait Catherine de Montsalvy comme devant. D'ailleurs, elle s'avouait volontiers qu'elle avait peine à assimiler la personnalité d'emprunt qu'elle avait choisie. Mais, puisqu'elle s'était jetée à l'eau, il fallait bien nager. Si seulement elle pouvait calmer les crampes de son estomac affamé...
    Avec décision, elle ouvrit la porte de l'étuve, se retrouva en face des chambrières et des gardes. Son apparition fit briller les yeux des hommes d'armes, mais elle s'en

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