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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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s'en dégager, elle se leva, s'éloigna vers la fenêtre ouverte et s'y adossa. Son regard croisa celui de Gilles et le soutint.
    — Et que suis-je venue faire ici, selon vous ?
    — Reprendre votre bien. C'est assez légitime et c'est un genre d'entreprise que je peux comprendre.
    — Mon bien ?
    Gilles de Rais n'eut pas le temps de répondre. On avait frappé à la porte qui s'ouvrit sans que le visiteur attendît la permission d'entrer.
    Deux gardes armés de pertuisanes pénétrèrent et s'immobilisèrent de chaque côté de la porte basse. Sur le seuil apparut un personnage aussi large que haut, véritable masse de graisse drapée dans des aunes de velours ciselé d'or que dominait un visage rouge, bouffi et arrogant terminé par une courte barbe brune.
    — Mon cousin, s'écria le visiteur. Je viens souper avec toi ! On meurt d'ennui chez le Roi.
    Instinctivement, Catherine avait eu un mouvement de recul en reconnaissant Georges de La Trémoille. Une vague de sang lui monta au visage, joie, colère et haine mélangées. Elle ne s'attendait pas à voir, si vite, l'homme qu'elle était venu chercher au prix de tant de peines. Avec une joie féroce, elle constata qu'il était plus gros que jamais, que sa peau, enflée de mauvaise graisse, était jaune et que son souffle court disait assez la santé délabrée par les excès. Mais, comme elle poursuivait l'examen minutieux de son ennemi, elle demeura bouche bée, étranglée de stupeur en contemplant la bizarre coiffure que portait le Grand Chambellan. C'était une sorte de turban d'or qui accentuait encore son allure de satrape oriental, mais, dans les plis du turban, un diamant noir étincelait de tous ses feux..., l'unique, l'inimitable et très reconnaissable diamant noir de Garin de Brazey !
    Le sol et les murs se mirent à tourner autour de Catherine qui se crut en train de devenir folle. Dans le coin d'ombre où elle s'était reculée en voyant entrer La Trémoille, elle chercha à tâtons un tabouret, s'y laissa tomber
    sans
    prendre
    garde
    aux
    quelques
    phrases
    qu'échangeaient les deux hommes. Elle cherchait désespérément à comprendre comment le fabuleux diamant était arrivé entre les mains du Chambellan. Elle se voyait encore remettant la pierre unique à Jacques Cœur dans l'auberge d'Aubusson. Que lui avait-il dit alors ?
    Qu'il allait gager le diamant chez un Juif de Beaucaire dont elle avait même retenu le nom : Isaac Abrabanel ! Comment, dans ce cas, le diamant pouvait-il briller au turban de La Trémoille ? Jacques avait-il été rattrapé sur la route d'Aubusson à Clermont ? Était-il tombé dans un piège ? Et s'il était... Elle n'osa pas formuler, même dans sa pensée, le mot fatal, mais une brusque envie de pleurer lui serra le cœur. Oui, pour que le gros chambellan pût se parer du joyau, il fallait que Jacques Cœur eût cessé de vivre. Jamais, de son plein gré, il n'eût abandonné le dépôt confié par Catherine... Surtout pas à cet homme qu'il haïssait autant qu'elle-même. Elle ferma les yeux un instant et ne vit pas que La Trémoille, après l'avoir considérée un moment avec curiosité, s'approchait d'elle. Aussi sursauta-t-elle quand un gros doigt mou, chargé de bagues, lui releva le menton.
    — Tudieu, la belle fille ! Où as-tu trouvé cette merveille, cousin ?

    — Au camp des Égyptiens ! répondit Gilles de mauvaise grâce.
    Elle se battait avec une autre chèvre noire. Je les ai séparées et j'ai gardé celle-ci parce qu'elle était belle.
    La Trémoille daigna sourire, montrant des dents malsaines dont la couleur oscillait entre le vert et le noir. Sa main s'était posée sur la tête de Catherine dans un geste qui se voulait possessif et qui la fit trembler de dégoût.
    — Tu as bien fait, cousin, après tout. Tu as eu bon esprit de garder cette biche sauvage. Lève-toi, petite, que je te voies mieux.
    Catherine obéit, inquiète de ce qui allait suivre. Si Gilles de Rais dénonçait sa véritable identité, elle était perdue. La Trémoille et lui étaient non seulement cousins mais alliés, unis par un véritable pacte, dûment signé ; Gilles lui-même lui avait parlé de ce pacte à Champtocé. Néanmoins, elle fit quelques pas dans la pièce suivie par le regard gourmand du gros chambellan qui commentait, exactement comme si elle eût été un simple objet d'art.
    — Très belle en vérité. Un véritable joyau, digne du lit d'un prince.
    La gorge est ronde et fière, les épaules superbes... la

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