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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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assez longs pour rejoindre la racine de ses cheveux.
    Ses ongles, peints, brillaient comme autant de gemmes roses et elle se sentait merveilleusement à l'aise dans son nouveau costume : amples pantalons de mousseline rose rattachés aux hanches par une lourde ceinture d'orfèvrerie et laissant nus la taille et le ventre assorti d'une brassière à manches courtes, de satin rose. Sur sa tête, une petite calotte ronde retenait l'immense voile rose dont elle avait dû s'envelopper pour paraître sur le toit.
    Un long moment Fatima et son unique cliente - Catherine avait appris que, tant qu'elle y serait en traitement, le hammam serait fermé pour toute autre, folle munificence d'Abou qui avait fortement impressionné la grosse baigneuse demeurèrent sans parler. La nuit était exceptionnellement douce, parfumée de jasmin et d'oranger. De la terrasse, le spectacle de la ville, dont les ruelles et les bazars encore ouverts s'éclairaient d'une multitude de lampes à huile, était féerique et inattendu pour une femme habituée aux villes noires de l'Occident, à leurs rues que le couvre-feu transformait en coupe-gorge, Catherine demeura longtemps fascinée par lui. Une musique étrange, lancinante et grêle qui devait venir de quelque cabaret s'élevait jusqu'à la jeune femme, luttant avec le grondement doux du torrent voisin.
    Mais, bientôt, le regard de Catherine abandonna la ville pour gagner l'énorme masse du palais qui dominait de haut la maison de Fatima.
    Celle-ci s'élevait au bord du Darro, au débouché du ravin qu'il creusait entre le promontoire d'Al Hamra et les coteaux de l'Albaicin et de l'Alcazaba Kadima. A cent cinquante mètres au-des- sus d'elle, les profonds créneaux du palais se découpaient sur le velours sombre du ciel. Là, aucune lumière, aucun signe de vie, sinon le pas ferré des invisibles sentinelles. Catherine crut deviner une menace dans ces murailles muettes. Elles semblaient la défier de leur arracher leur captif...
    Les yeux de la jeune femme demeurèrent si longtemps rivés à l'inquiétant escarpement que Fatima remarqua, au bout d'un moment :
    — On dirait que le palais t'attire, Lumière de l'Aurore ? A quoi rêves-tu quand tu le regardes ?
    Audacieusement, Catherine répondit :
    — A l'amant de la princesse. Au beau captif franc... Je suis du même pays que lui, tu le sais. Il est normal que je m'intéresse à lui.
    La main grasse de Fatima s'abattit vivement sur sa bouche qu'elle ferma. Dans l'ombre, Catherine vit rouler de terreur les yeux blancs de l'Éthiopienne.
    — Es-tu déjà lasse de la vie ? chuchota-t-elle. Si c'est le cas, il vaut mieux que je te renvoie tout de suite à ton maître car les terrasses voisines sont bien proches et j'aperçois le voile safran d'Aïcha, l'épouse du riche marchand d'épices, et la plus mauvaise langue de la ville. Je suis vieille déjà et laide, mais j'aime tout de même encore respirer l'odeur des roses et manger du nougat noir.
    — Pourquoi est-ce dangereux de parler comme je l'ai fait?
    Parce que l'homme auquel tu as fait allusion est le seul, dans tout Grenade, auquel aucune femme de la ville n'ait le droit de penser, même en rêve si elle rêve tout haut. Les bourreaux de Zobeïda sont des captifs mongols que lui a envoyés en hommage le sultan ottoman Mourad. Ils savent, sans amener la mort, faire durer une agonie des jours et des jours et il vaut mieux encourir la colère du Calife en personne plutôt que la jalousie de Zobeïda. La sultane favorite, ellemême, l'éblouissante Amina, ne s'y risquerait pas. Zobeïda la hait déjà bien suffisamment. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle réside rarement en Al Hamra.
    — Où habite-t-elle donc ?
    Le doigt gras de Fatima désigna, au sud de la cité, les sveltes pavillons et les toits verts d'un grand bâtiment isolé, hors des murs, qui paraissait jaillir d'un vaste jardin dont les frondaisons se miraient dans une rivière scintillante.
    — C'est l'Alcazar Genil, le palais privé des sultanes. Il est facile à garder et Amina s'y sent plus en sécurité. Les sultanes l'ont rarement habité, mais Amina sait ce que pèse la haine de sa belle-sœur. Certes, Muhammad l'aime, mais c'est un poète en même temps qu'un guerrier et il a toujours eu pour Zobeïda un faible dont la sultane se méfie.
    — Si la princesse obtenait sa tête, observa Catherine, je n'ai pas l'impression que ce palais pourrait la défendre longtemps.
    — Plus que tu ne crois. Car il y a aussi

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