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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Gerbert. Rentrez donc vous coucher et laissez ces gens se distraire : ils ne font point de mal ; puis se tournant vers Catherine : Dame, nous avons fait à votre désir. Nous vous escortons jusqu'à l'auberge ?
    — Rentrez sans moi ! répondit la jeune femme. Je n'ai pas sommeil.

    — Si j'ai bien compris, c'est à vous que je dois cette intervention ?
    demanda sèchement Bohat tandis que les hommes d'armes s'éloignaient. Vous aurais-je, par hasard, appelée à mon aide ?
    — Vous avez bien trop d'orgueil pour cela ! Je pense, au contraire, que vous vous seriez laissé écharper avec bonheur. Mais je vous ai vu en difficulté, et j'ai pensé...
    — Quand les femmes se mêlent de penser ! soupira Bohat avec une telle expression de dédain que Catherine sentit la colère s'emparer d'elle. Cet homme n'était pas seulement étrange, il était franchement odieux. Elle ne se gêna pas pour le lui dire.
    Je reconnais qu'elles font souvent des sottises, surtout quand elles se mêlent de sauver la vie d'une remarquable intelligence masculine. En vérité, messire, je vous prie d'accepter mes regrets et mes excuses.
    J'aurais bien mieux fait de demeurer paisiblement à la fenêtre à vous regarder pendre proprement à la porte de l'abbaye ; après quoi, sûre que vous êtes mort chrétiennement pour le plus grand bien de la religion, je serais allée dormir, non sans avoir dit quelque oraison pour le repos de votre grande âme ! Mais, le mal étant fait, souffrez que je vous quitte ! Bonne nuit, messire Gerbert !
    Elle tournait déjà les talons quand il la retint. Cette sortie sarcastique l'avait stupéfié et, lorsque Catherine se retourna vers lui, elle put voir qu'aucune trace de colère ne demeurait sur son visage.
    — Voulez-vous me pardonner, dame Catherine ? fit-il d'une voix sourde. Il est bien vrai que, sans votre intervention, ces pauvres gens m'auraient ôté la vie. Et que je devrais vous en remercier. Mais, ajouta-t-il avec une violence qui, sourdement, revenait peu à peu dans sa voix, il m'est dur de remercier une femme, et d'autant plus que la vie m'est une charge insupportable ! Si je ne craignais Dieu, voici longtemps déjà que j'en aurais fini avec elle.
    — Obliger les autres à vous l'ôter n'est qu'une feinte à laquelle Dieu ne saurait se laisser prendre. J'ajoute que, dans ce cas, le crime serait double car, à votre intention secrète, s'ajouterait le mal que vous aurez contraint des innocents à vous faire. Quant à vos remerciements, ne vous y croyez pas obligé. J'en aurais fait autant pour n'importe qui !
    Gerbert ne répondit pas. Comme Catherine faisait quelques pas en direction de l'auberge, il se mit à marcher auprès d'elle, courbant légèrement sa haute taille. Il semblait, tout à coup, avoir peine à la quitter et Catherine ne s'expliquait pas cette nouvelle lubie. Alors, comme il gardait le silence, ce fut elle qui demanda :

    — Vous haïssez les femmes, n'est-ce pas ?
    — De toutes mes forces, de toute mon âme... Elles sont le piège incessant où se prend l'homme.
    — Pourquoi cette haine ? Que vous ont-elles fait ? N'avez-vous pas eu de mère ?
    — C'est la seule femme pure que j'aie connue. Toutes les autres n'étaient que boue, luxure et fausseté.
    Catherine aurait pu se sentir blessée par ce brutal jugement. Pourtant, elle n'éprouva qu'une sorte de pitié parce que, derrière la colère de Gerbert, elle devinait une souffrance qui n'osait pas dire son nom.
    — Les avez-vous toujours autant détestées ? dit-elle encore. Ou bien...
    Il ne la laissa pas achever.
    — Ou bien est-ce pour les avoir trop aimées ? Je crois, en vérité, que c'est cela. C'est parce que, depuis toujours, j'ai porté dans mon sang le goût maudit de la femme, parce qu'elle est mon ennemie depuis toujours ! Je la hais !
    Le reflet d'une chandelle brûlant encore sur le comptoir d'un marchand d'images pieuses encore ouvert illumina un instant le visage du grand pèlerin et ses mains dont l'une retenait son manteau noir. Les traits étaient illuminés du feu de la plus sombre passion et la main libre tremblait. Le goût du défi poussa alors Catherine à s'arrêter.
    — Regardez-moi ! ordonna-t-elle. Et dites-moi si vous pensez réellement que je suis seulement boue, luxure et fausseté ?
    Elle s'était figée dans la lumière jaune de la chandelle, offrant au regard vacillant de l'homme son visage pur qui, dépouillé du camail porté tout le jour, s'auréolait d'or sombre où passaient

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