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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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baissa la tête.
    — Messire Arnaud l'a voulu !... Il m'a renvoyé vers sa mère, dont il savait la souffrance, pour lui porter la bonne nouvelle de sa guérison, lui dire...
    — Que son fils, un capitaine du Roi, un chrétien, avait oublié ses devoirs et ses serments pour les beaux yeux d'une houri ? Belle nouvelle à apprendre à une noble dame ! Si la dame de Montsalvy est telle que je l'imagine, il y a de quoi la tuer net !
    — Dame Isabelle est morte, fit Catherine sombre- ment. Plus rien ne peut l'atteindre ! Et ta mission est remplie, Fortunat !... Tu peux à ton gré rentrer en France ou retourner auprès de ton maître...

    Une expression de curiosité cruelle apparut sur la figure maigre du Gascon.
    — Et vous, dame Catherine, interrogea-t-il avidement, qu'allez-vous faire ? Je pense que vous n'aurez pas l'idée d'aller revendiquer votre époux ? Vous n'arriveriez même pas jusqu'à lui... Les femmes chrétiennes sont réduites en esclavage là-bas, et travaillent sous le fouet, ou alors on les jette aux soldats pour qu'ils s'en amusent... à moins qu'on ne les fasse périr dans d'affreux supplices ! Pour vous, croyez-moi, le mieux est un bon couvent et...
    La phrase s'acheva dans un affreux gargouillis. La belle main vigoureuse d'Ermengarde l'avait saisi à la gorge et lui coupait le souffle.
    — Je t'ai déjà dit de te taire ! gronda la douairière. Et je ne répète jamais deux fois la même chose.
    Mais, comme si rien de tout cela ne la concernait plus, Catherine n'avait pas daigné répondre. Elle se détournait, embrassait d'un regard vacillant tous ces visages anxieux tournés, tendus vers elle, puis, lentement, se dirigeait vers la porte, les plis noirs de sa robe balayant la paille répandue sur les dalles. Jean Van Eyck voulut la suivre. Il appela :
    — Catherine ! Où allez-vous ?
    Elle se tourna vers lui, eut un faible sourire.
    — J'ai besoin d'être seule un moment, mon ami... Je crois que vous pouvez comprendre cela ? Je vais simplement à la chapelle... Laissez-moi !
    Elle quitta la salle, franchit la cour, le porche et sortit sous la voûte qui enjambait le chemin. Elle voulait se rendre dans la petite chapelle, dédiée à saint Jacques, qui s'élevait de l'autre côté. Tout à l'heure, avant le souper, on lui avait montré la grande église du Moustier, mais elle avait trouvé trop d'or et de gemmes sur les Vierges en majesté, trop d'objets étranges entourant le gisant de pierre, si formidable qu'il accaparait tout l'intérêt, du roi Sanche le Fort. Elle voulait un lieu paisible, étroit, où elle pût se retrouver seule avec elle- même et avec Dieu. Cette chapelle, jouxtant l'espèce de caveau bas où l'on ensevelissait les pèlerins morts sur la route, lui semblait l'endroit propice.
    Hormis une statue du saint voyageur devant laquelle brûlait une lampe à huile, il n'y avait rien qu'un autel de pierre et des dalles usées.
    Il y faisait froid, humide, mais Catherine était au-delà des sensations du corps. Elle avait, tout à coup, l'impression d'être morte... Puisque Arnaud l'avait trahie, son cœur avait perdu sa raison de battre !... Pour une femme inconnue, l'homme qu'elle avait aimé plus que tout avait, d'un seul coup, arraché les liens qui les attachaient l'un à l'autre. Et Catherine se retrouvait amputée d'une partie d'elle-même, la meilleure, l'essentielle, seule au milieu d'un désert sans fin. Ses mains étaient vides, son cœur vide, sa vie dévastée. Lourdement, elle se laissa tomber, à deux genoux, sur la pierre froide, enfouit son visage dans ses mains tremblantes.
    — Pourquoi ? balbutia-t-elle. Pourquoi ?...
    Un long moment elle demeura prostrée, sans penser, sans prier, sans même sentir le froid qui pénétrait son corps. Elle n'avait pas de larmes. Dans cette chapelle noire ef glacée, elle était comme au fond d'un tombeau et ne souhaitait plus en sortir. Incapable même de réfléchir elle tournait continuellement dans sa tête cette seule idée torturante : « Il » l'avait oubliée pour une autre... Après avoir juré de l'aimer tant qu'il lui resterait un souffle de vie, il avait ouvert les bras à une ennemie de sa race, de son Dieu... et sans doute lui disait-il maintenant ces mots tendres que Catherine écoutait en tremblant...
    Pourrait-elle jamais s'arracher cette pensée, cette image de l'esprit ?
    Pourrait-elle ne pas en mourir ?
    Elle était si accablée qu'elle sentit à peine que deux mains fermes l'obligeaient à se relever

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