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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Compos- telle. Celui qu'ils reprenaient toujours quand la fatigue se faisait trop lourde, celui que, si peu de semaines plus tôt, elle-même avait chanté en quittant Le Puy et sur les chemins déserts de l'Aubrac. Une vague d'espoir se leva en elle. Il lui parut que la vieille cantilène était la réponse de Dieu à son ardente prière. Sautant à bas du chariot, elle courut à la herse, s'y accrocha des deux mains, glissant son visage entre les barreaux. Devant elle, sur le pont romain, une troupe de pèlerins fourbus et déguenillés avançaient, redressant de leur mieux leurs échines lasses et leurs têtes pesantes. En avant, les yeux levés vers le ciel, son regard fanatique rivé aux nuages et brandissant bien haut le bâton dont il scandait le chant, marchait Gerbert Bohat...
    — Tiens ! souffla Josse qui s'était glissé près de Catherine, comme on se retrouve !
    Mais Gerbert n'avait pas vu ses anciens compagnons de route. Il s'était arrêté à quelques pas de la herse close et, levant la tête vers le haut du rempart où veillaient des soldats :
    — Pourquoi cette porte est-elle fermée ? demanda- t-il. Ouvrez aux errants de Dieu !
    Il répéta aussitôt ses paroles en espagnol. Un homme d'armes répondit quelque chose qui devait être un conseil de passer au large tant le ton était rude. D'ailleurs, la fragile douceur chrétienne du Clermontois n'y résista pas. Il éleva la voix et c'est d'un ton de colère qu'il apostropha son adversaire.
    — Que dit-il ? demanda Catherine.
    — Qu'aucune ville chrétienne, jamais, n'a osé se fermer devant les pèlerins de Compostelle, que lui et les siens sont exténués, qu'il a des malades, des blessés même qui ont grand besoin d'arriver à l'hospice car ils ont été attaqués par des brigands et qu'il exige l'ouverture des portes !
    — Et que lui répond-on ?
    — Que don Martin ne veut pas !
    Le dialogue, de plus en plus rapide, de plus en plus violent, se poursuivit quelques instants. Finalement, Gerbert Bohat planta son bâton à terre et s'appuya dessus dans une position d'attente tandis qu'autour de lui les pèlerins se laissaient tomber sur le sol, exténués de fatigue.
    — Alors ? demanda Catherine à Josse.
    — Gerbert en appela à l'archevêque. Le soldat lui a répondu qu'on allait chercher don Martin.
    L'Alcade Criminel ne tarda pas à apparaître. Catherine entrevit sa longue silhouette noire, ses jambes de faucheux qui grimpaient l'escalier de pierre du rempart. Hans, à son tour, était descendu du chariot malgré les gardes qui prétendaient le faire rentrer chez lui et avait rejoint ses compagnons.
    — Il y a peut-être là une chance, souffla-t-il. J'ai entendu don Martin dire que les brigands qui ont attaqué les pèlerins sont peut-être ceux d'Oca et qu'il faudrait interroger les arrivants.
    Au bout d'un instant, en effet, la voix coupante de don Martin se fit entendre au-dessus de la tête de Catherine. Gerbert avait salué poliment mais ne s'était pas départi de son attitude raide pour s'adresser à lui. Un nouvel échange de paroles incompréhensibles pour la jeune femme puis, brusquement, le ton de l'alcade s'adoucit étrangement. Hans chuchota, étonné :
    — Il dit qu'il va faire ouvrir les portes devant ces saintes gens...
    mais je n'aime pas beaucoup sa subite douceur. Et l'art d'interroger autrui ne présente pas beaucoup de nuances chez don Martin.
    N'importe, si la herse s'ouvre, il faudra en profiter...
    — Mais vous risquez d'être poursuivi ? objecta Catherine. On vous tirera peut-être dessus ? Si une flèche vous atteignait je ne me le pardonnerais pas.

    — Moi non plus ! sourit Hans mi-figue mi-raisin, mais nous n'avons pas le choix. Si l'on découvre ce que nous transportons, nous partageons son sort. Le vin est tiré, il faut le boire ! Écoutez ce vacarme derrière nous ! On fouille toutes les maisons. Mourir pour mourir, j'aime mieux une flèche que le bûcher.
    Et Hans se réinstalla résolument sur son siège, invitant Catherine et Josse à en faire autant. Ils reprenaient tout juste leur place quand don Martin Gomez Calvo apparut sous la voûte avec une escouade d'alguazils. Il eut un haut-le-corps en apercevant le chariot et se dirigea vivement vers lui. Le voyant approcher, son maigre visage déformé par la colère, Catherine se sentit mourir. Il allait faire reculer la voiture, ordonner qu'on la fouille. Elle écouta la voix aigre invectiver Hans avec la mort dans l'âme, persuadée que rien,

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