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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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désormais, ne pourrait plus sauver ni elle, ni Gauthier, ni leurs amis, de cet échafaud vide qui, là-bas, avait l'air d'attendre une proie.
    Mais c'était mal connaître le maître d'œuvre. A la colère de l'alcade, il opposa un calme olympien, expliquant, comme Josse le chuchota à l'oreille de Catherine, qu'il lui fallait absolument porter son chargement de pierres à Las Huelgas parce qu'il était déjà en retard pour un travail à lui commandé par le connétable Alvaro de Luna. Le nom du maître de la Castille fit son effet. La hargne de don Martin baissa de quelques degrés. Son regard aigu, méfiant, enveloppa tour à tour chacun des occupants du chariot. Catherine, sous l'examen de ces yeux cruels, retint mal un frisson de dégoût. Il y eut un instant de silence accablant, mais, enfin, les lèvres minces de don Martin s'entrouvrirent, laissèrent tomber une phrase courte. Derrière elle, Catherine sentit Josse frémir. Hans, lui, n'avait pas bronché, mais, en le voyant serrer ses rênes d'une main plus ferme, la jeune femme comprit que l'on allait partir. En effet, la herse, lentement, se relevait.
    Mais, derrière le chariot et tout autour, il y avait une troupe armée.
    Don Martin s'avança sur le pont, fit un geste autoritaire qui invitait les pèlerins à s'avancer. Ils se relevèrent péniblement, se mirent en rang tant bien que mal. Seul Gerbert n'avait rien perdu de son attitude hautaine.
    — Allons-y ! murmura Hans. Nous tenons trop de place. Nous attendrons, sur le pont, que toute la colonne soit passée.
    Le chariot avança lentement, sortit de l'ombre humide de la porte.
    Catherine, qui, jusque-là, avait eu la sensation d'avoir sur sa poitrine toutes les pierres du rempart, sentit son cœur s'alléger. Hans rangea son véhicule pour laisser passer les pèlerins. Ils semblaient accablés de fatigue, et aussi de misère. La traversée des montagnes avait dû les éprouver. Au passage, Catherine et Josse reconnurent quelques visages, mais la plupart portaient les traces visibles de leurs peines.
    Les vêtements étaient en lambeaux, les corps tuméfiés ou même blessés. Les brigands avaient dû les malmener cruellement. Plus aucun d'entre eux n'avait le courage de chanter.
    — Pauvres gens ! murmura Catherine. Nous devrions être comme eux !
    — Dieu soit loué, nous n'y sommes pas, souffla Josse avec une satisfaction qui, d'ailleurs, ne dura guère.
    En effet, le drame tout de suite éclata. A peine les pèlerins eurent-ils atteint la porte Santa Maria que les soldats les entourèrent et s'emparèrent d'eux.
    — Sang du Christ ! jura Josse. Mais... on les arrête !
    — Don Martin désire leur poser quelques questions, répondit Hans d'une voix sombre. Il préfère s'assurer de leurs personnes...
    momentanément !
    — C'est indigne ! s'écria Catherine. Qu'est-ce que ces pauvres gens peuvent lui apprendre ? Ils ont besoin de soins. Pas de policiers !
    — On leur demandera si les brigands d'Oca ont récupéré leur compagnon, par exemple. Et où ils ont leur repaire. Reste à savoir de qui ces malheureux ont le plus peur : de la vengeance des brigands ou bien de don Martin !
    Catherine ne répondit pas. Tournée vers la ville, elle suivait avec angoisse les péripéties du drame. Car, si la plupart des pèlerins se laissaient emmener sans résistance, quelques-uns d'entre eux tentaient d'opposer une certaine défense aux hommes de l'alcade et, premier de tous, naturellement, Gerbert Bohat. On l'entendit crier :
    — Trahison ! Défendons-nous, mes frères, Dieu le veut !
    Et lui-même, courageusement, se lança dans la bataille, opposant son dérisoire bourdon aux épées et aux lances des soldats. Incapables d'aller plus loin, Catherine, Hans et Josse regardaient, fascinés, les yeux agrandis par l'horreur. Le sang coulait, sur le pont, en longues rigoles sombres qui se moiraient sous le soleil déjà haut. La brutalité des Castillans se donnait libre cours et, debout, bras croisés, à quelque distance, don Martin regardait en passant sa langue sur ses lèvres.
    Cela ne dura guère, le combat étant par trop inégal. Bientôt, tous les pèlerins furent maîtrisés. Catherine, soulevée d'indignation, entendit le cri de mort de Gerbert, frappé en pleine poitrine par une lance. Un ordre bref lui fit écho et, aussitôt, le malheureux Clermontois fut jeté à la rivière qui, sur son flot jaune, grossi des dernières pluies, l'emporta lentement d'abord, puis plus vite. Les autres

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