C'était de Gaulle - Tome II
etc.). Cette abstention involontaire peut représenter de 5 à 10 % des inscrits. Les 47 % des inscrits correspondaient donc à une majorité réelle de ceux qui étaient en mesure d'exercer leur droit de vote. Cette note avait aussitôt ragaillardi le Général.
Malgré l'heure tardive, je téléphone de Matignon à Goguel pour lui suggérer une nouvelle note roborative pour le Général. Il abonde dans mon sens. « Le ballottage, me répond-il, est inévitable dans notre nouveau système. Il correspond aux "primaires" à l'américaine. Il n'empêche nullement qu'ensuite, le Président proclamé se conduise comme l'élu de tous les Français, et non pas seulement de ceux qui auront voté pour lui au second tour, ni à plus forte raison au premier. »
Lundi 6 décembre. Cette note, rédigée en quelques heures, est aussitôt livrée à Burin, qui la fait porter par motard à Colombey 2 .
Mardi. Burin me téléphone : la note a eu sur le Général l'effet magique espéré ; il a décidé de revenir de Colombey.
« Je pensais que les résultats seraient meilleurs. J'avais tort »
Conseil du 8 décembre 1965.
Les visages sont tendus. On s'assied en silence. Tous les regards se tournent vers le Général. On s'inquiète pour lui ; on attend ses réactions, son inspiration, ses instructions.
GdG : « On a vu les résultats. Je pensais qu'ils seraient meilleurs. J'avais tort. Ils ne pouvaient pas être meilleurs. Les comparaisons avec les référendums ne pouvaient pas valoir. Celui de 1958 était un vote inévitable, c'était la panique et le dégoût ; ce n'était pas une épreuve électorale. De même pour le référendum sur l'Algérie ; ce n'était pas électoralement valable en ce qui concerne de Gaulle. Le référendum de 62, moins brillant, mais convenable, reflétait encore la crainte ; d'autre part, il y avait la réforme institutionnelle qui, le fait l'a prouvé, intéressait le public.
(Mais le Général ne se borne pas à cette histoire récente : il la recadre dans un combat plus ancien.)
« Jusqu'en 1946, je n'ai pas eu à me soumettre au suffrage populaire. Dès les premières élections, j'ai senti converger contre moi les représentants de tous les partis. Ceux-ci avaient délégué auParlement des émissaires qui m'étaient tous hostiles. Je ne pouvais que partir, ou faire le dictateur.
« Je suis revenu à la charge contre le projet de Constitution de 46, je l'ai dénoncé devant le pays, je n'ai eu qu'un tiers des voix 3 .
« Puis ce fut le Rassemblement et les élections de 51, où je n'ai pas eu le tiers des voix.
« Le résultat est là. En face des 44 % de voix de De Gaulle, il y a une masse de voix répartie entre au moins trois fractions inconciliables.
« On verra quelles conclusions les électeurs en tireront. Mais d'ores et déjà, il apparaît que la situation électorale de De Gaulle n'a pas diminué, au contraire.
« Pourtant, la conjoncture ne nous était pas favorable. On n'a peur de rien, les caisses sont pleines : ce sont des conditions exceptionnelles pour la démagogie. D'autre part, la politique de stabilité, c'est-à-dire de l'intérêt national, a multiplié les mécontentements. Cela vaut aussi pour l'affaire du Marché commun, qui alarmait des agriculteurs angoissés par les transformations et donc livrés à tous les mythes qu'on leur propose 4 .
« Je ne veux pas être l'expression d'une fraction. Je ne suis pas l'UNR »
« Naturellement, je ne vais pas me retirer. On verra bien. Je ne suis pas convaincu de l'effet massif de la campagne. Tixier-Vignancour pérore en vain depuis des mois. Mitterrand s'est agité, mais sa campagne a été faite sur le terrain par les communistes. Quant à Lecanuet, qui a produit un effet personnel, il n'a guère ajouté aux voix que, de toute manière, peut rassembler un candidat des centristes.
« Cela dit, il faut être actif pour le second tour. Le général de Gaulle ne peut se commettre à parler de la vignette ou de la pilule. C'est au gouvernement, autour de moi, qu'il appartient d'informer les Français. Les ministres, à commencer par le Premier, interviendront, diront où on était, où on est, où on va. Il faut que la V e continue. Pour cela, il faut que le général de Gaulle soit élu.
« Quant à ces fameuses voix de gauche, regardons les chiffres.(Il a une note sous les yeux.) L'ensemble que représentent les radicaux, la SFIO et les communistes a fait, en octobre 1945, 54,85 % ; en 1946, 52 % ; en juin
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