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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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également déplacé afin de galvaniser ses troupes. Mais celles-ci continuaient à piétiner dans les fourrés et à voir leurs charges se briser contre les troncs et les Français. Aspern était devenu un petit pois que cette énorme mâchoire autrichienne tentait de broyer.
    Le capitaine Quentin Margont, appuyé contre un tonneau, essayait de se faire une idée de la situation. Autour de lui, les soldats de son bataillon s’activaient, enchaînant les salves, abrités derrière une barricade de fortune qui bloquait l’une des deux rues principales du village d’Aspern. Un bric-à-brac de charrettes et de meubles, c’était tout ce que l’on avait trouvé à opposer aux Autrichiens. Les offensives ennemies se succédaient sans relâche depuis le début de l’après-midi, mais il semblait que, cette fois-ci, c’était l’Autriche entière qui marchait dans leur direction. Des lignes et des lignes de fantassins qui formaient des vagues blanches empressées. Un aide de camp français arriva au galop. Il cherchait désespérément le général de division auquel il devait transmettre les ordres de l’état-major. Plus les Autrichiens s’approchaient, plus il revoyait ses intentions à la baisse. Point de général de division ? Pas même un général de brigade ? Alors un colonel ? Lorsque les premières balles sifflèrent à ses oreilles, il se dit qu’un capitaine suffirait amplement. Il s’approcha de Margont, couché sur le cou de sa bête qui écumait.
    — Tenez bon, le 18 e régiment d’infanterie de ligne arrive pour vous soutenir ! Transmettez à votre général.
    — Mais c’est nous, le 18 e de ligne ! protesta Margont.
    L’aide de camp cligna des yeux.
    — Ah bon ? Vous n’appartenez pas à la division du général Molitor ? Mais cela ne va pas du tout, vous ne devez pas être là ! Vous devez aller secourir la division Molitor !
    — Impossible, nous...
    — Ce sont les ordres, capitaine !
    — On ne sait même pas où est cette division !
    — En fait, moi non plus, mais c’est votre problème. Transmettez mon message à votre colonel.
    — Mais enfin, comprenez que nous ne pouvons pas nous dégager et qu’il nous faut sur-le-champ des renforts !
    — C’est vous, les renforts ! Les renforts du général Molitor !
    Ce dialogue de sourds venait du fait que cet aide de camp, effrayé d’avoir à s’approcher de ce lieu de carnage, avait tardé à exécuter sa mission. Ses ordres dataient d’une demi-heure et étaient périmés puisqu’ils avaient déjà été appliqués grâce à un autre messager. Mais Margont, comme tous les officiers subalternes, l’ignorait. Un soldat terrorisé gesticula fébrilement.
    — On s’en fout, de votre Molitor ! Où y sont, nos secours à nous, nom de Dieu ? Et pourquoi le reste de l’armée met tout ce temps pour nous rejoindre ?
    — Il n’y a plus de ponts, les Autrichiens les ont détruits ! Allez soutenir la division Molitor !
    Sur ce, l’aide de camp tourna bride et s’enfuit, son cheval filant ventre à terre.
    — Plus de ponts ? répéta Margont, hébété.
    Son vieil ami, le sergent Lefine, se coula le long de la barricade jusqu’à lui sans jamais exposer la plus petite partie de son corps.
    — Qu’est-ce qui se passe avec les ponts ? Ça veut dire quoi : « plus de ponts » ?
    Le vacarme des fusillades hachait les conversations. Le sous-lieutenant Piquebois, qui n’avait entendu qu’un mot sur trois, s’exclama :
    — Courage, la division Molitor arrive en renfort !
    Cette excellente nouvelle fut saluée par des cris de joie. Les bataillons autrichiens, culottes et habits blancs, casqués, progressaient en formations denses, tempête de neige furieuse dans un paysage de printemps. Les balles écumaient leurs rangs, tapissant les rues de blessés qui rampaient sur les côtés pour éviter d’être piétinés. Les officiers arboraient des manteaux sombres et des ceintures d’étoffe dorée. Ils brandissaient leur épée pour se faire voir de leurs hommes et les exhorter à aller de l’avant. Entre la fumée des armes et celle des incendies, on y voyait de moins en moins. On tirait à l’aveugle. Un premier bataillon autrichien vint percuter la barricade que défendait Margont. Les soldats se criblaient de coups de feu à quelques pas les uns des autres. Des habits blancs tombaient, encore et encore, mais d’autres les remplaçaient. L’odeur de poudre brûlée saturait l’air.

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