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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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représailles, les Autrichiens contre-attaquèrent à leur tour. Finalement, le ciel commença à s’assombrir. À défaut de nouveaux renforts, c’était la nuit qui arrivait. On n’allait quand même pas se battre en pleine obscurité ? Les Français perdaient maintenant maison après maison. Sur le Danube, le pont réparé, sans cesse endommagé par les esquifs qu’expédiaient les Autrichiens, s’écroula une nouvelle fois, précipitant des cavaliers du 2 e régiment de cuirassiers dans les flots où ils coulèrent à pic. Enfin, l’intensité des combats diminua. Margont, exultant d’avoir survécu, marcha vers Lefine pour se réjouir avec lui. Le poids qui cessait de l’écraser était tel que, tout à son bonheur, il passa sans réfléchir devant la brèche d’un mur. Un coup sec claqua. Margont eut le réflexe de se jeter à couvert. Il se demanda s’il était touché, car il avait tant sollicité ses muscles qu’il avait mal partout. La terreur déforma le visage de Lefine. Margont suivit le regard de son ami et posa les yeux sur son flanc. Une tache sombre y grandissait.
    — C’est trop idiot...
    Sur quoi, il s’allongea précautionneusement.

 
    CHAPITRE III
    Margont passa un temps interminable allongé au bord du Danube, en compagnie d’une foule de blessés. Les gémissements et les supplications se mêlaient au roulement de fond des canonnades. Des infirmiers, trop peu nombreux, couraient de l’un à l’autre. L’un d’eux, très jeune, toisa Margont et, sans prendre le temps d’examiner la blessure, décréta : « Ce n’est rien. » Un autre, en revanche, prenait une expression catastrophée chaque fois qu’il passait devant lui. Finalement, une barque amena une poignée de voltigeurs surchargés de munitions, renfort dérisoire, et repartit avec quelques chanceux, dont Margont.
    Napoléon avait prévu de traverser le Danube à toute vitesse. Il avait cru que les Autrichiens ne parviendraient pas à résister à son armée et se replieraient. La tournure des événements, radicalement inattendue, générait une confusion invraisemblable. Car Lobau servait à la fois de lieu de passage pour les divisions qui se retrouvaient bloquées là et d’hôpital temporaire improvisé. Les soldats s’accumulaient dans cette île comme des grains de blé dans un grenier. Les cent mille soldats autrichiens tenaient toujours fermement la rive est du Danube tandis que, sur la rive ouest, se trouvaient Vienne et une population hostile aux Français. Hier encore, Napoléon régnait sur la quasi-totalité de l’Europe et voilà que, maintenant, son univers semblait se réduire à l’île de Lobau, quatre kilomètres de long sur quatre de large. La taille d’une souricière.
    Margont fut recousu par un aide rempli de bonne volonté, mais qui tremblait d’avoir à s’occuper d’un gradé et s’excusait tandis qu’il piquait et repiquait maladroitement la peau. La blessure était superficielle. La balle avait seulement zébré le flanc, se contentant de mordre la chair sans percer l’abdomen. Ce qui inquiétait Margont, c’était la gangrène. Allait-elle engloutir son corps comme la pourriture ronge une pomme ? Il passa une nuit désastreuse.
    Le lendemain, les combats reprirent à quatre heures du matin.
    La multitude gémissante des blessés croissait dans Lobau, envahissant les lieux telle une marée à l’agonie. Des infirmiers et des volontaires leur tendaient des gamelles d’eau qu’ils remplissaient dans le Danube. Que vouliez-vous boire d’autre ? On débarqua des Français et des Badois en sang. Un sergent nouveau venu, balafré comme une chemise vingt fois rapiécée, se dressa sur son coude sanglant et clama d’une voix vive :
    — On revient d’Aspern, les enfants ! On l’a repris, c’foutu village ! Vive le maréchal Masséna !
    La nouvelle fut fêtée par des « Vive Masséna ! » et des « Vive l’Empereur ! ». Margont pensait à Lefine, à Saber et à Piquebois. Pataugeaient-ils encore dans ces monceaux de décombres, suffoquant dans la fumée et renvoyant balle pour balle aux Autrichiens ? Ou le régiment avait-il été relevé et se reposait-il, à l’arrière, en réserve ? À moins que ses amis ne gisent en morceaux dans une barque, la main dans l’eau, à la dérive...
    Les nouvelles et les rumeurs se succédaient, s’emballaient. Les villages d’Aspern et d’Essling étaient à nouveau attaqués, on les avait perdus ou presque,

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