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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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parmi ceux qui se
précipitèrent, quelques-uns vacillaient déjà. Ils eurent toutes les peines du
monde à rabattre les battants qui coinçaient contre le sol humide. Le
commandeur les avait quittés. Il se précipitait vers le cloître où il avait
d’autres ordres à donner.
    Quand il
atteignit le déambulatoire, il vit devant lui et devant le puits quatre
cavaliers immobiles qui l’attendaient. Il avait cependant ordonné au conseil
des édiles de lui fournir une cavalcade. C’étaient douze chevaux que, par
servitude, la ville de Manosque devait tenir prêts à tout moment pour le
service de l’ordre, son seigneur, mais les consuls ne perdaient jamais un
instant lorsqu’il s’agissait de résister à l’ordre et la peste, pour ce faire,
était une bonne occasion.
    En outre,
les donats eux aussi avaient été décimés par l’épidémie et c’était à
grand-peine qu’on avait pu en trouver quatre qui fussent encore debout.
    Guillaume
les toisa sans aménité. Ils avaient pourtant fière allure. Selon le cartulaire
templier vieux de trois siècles qui leur avait été dévolu en même temps que
l’héritage, ils portaient une épée et une lance. Leur cotte de mailles n’était
plus en métal mais en chanvre par le malheur des temps. En revanche sur le
bouclier qu’ils tendaient à hauteur de leur tête casquée, la grande croix
pattée aux huit pointes barrait tout leur corps de son symbole arrogant.
    Guillaume
se promena devant eux tout en parlant et il leur dit :
    — Voici :
je viens de confier à ces saintes femmes notre principal secret. Je leur ai
fait jurer le silence, mais je connais les femmes. Elles vont n’avoir de cesse
que de briser nos sceaux et de soulever la bâche. Elles vont n’avoir de cesse
que de savoir elles aussi !
    Il fit
silence, gesticulant, indécis, pesant le pour et le contre, mesurant par avance
et sans l’exprimer l’ordre qu’il allait donner.
    — Que
devons-nous faire alors ?
    Bien que
ce seul quarteron parût assez chétif, il avait néanmoins un chef. C’était lui
qui venait de poser la question.
    — Suivez-les
et frappez ! Pas avant qu’elles n’aient bloqué ce chariot à l’abri dans
leur crypte mais tout de suite après : suivez-les et frappez ! Vous
entendez ? Je veux qu’il n’en réchappe aucune !
    — La
mère supérieure ? hasarda le chef des donats.
    — La
mère supérieure aussi ! C’est une femme !
    Il tourna
le dos brusquement. Il voulait ne conserver en sa mémoire que le souvenir d’un
ordre, dicté par Dieu, qu’il n’eût pas eu le temps de passer au crible de sa
conscience. Il s’enfuit par les longs corridors. En chemin, il rencontra deux
ou trois frères haletants, affalés contre les piliers ou les portes et qui
étaient en train de mourir. Hâtivement, du bout des lèvres, il leur donna
l’absolution.
    Il entra
dans la chapelle avec l’intention de regagner rapidement sa cellule. En dépit
de ses appartements à vitraux, c’était dans cette cellule qu’il passait le plus
clair de son temps. Il voulait toutefois auparavant s’assurer de Dieu à son
égard par un tête-à-tête avec le Christ.
    La
chapelle exiguë était déjà occupée par deux frères qui priaient intensément. Le
bailli les écarta. Il fit une rapide génuflexion sous le reliquaire du
bienheureux Gérard Tenque fondateur de l’ordre. Il se tourna vers le calvaire
qui dominait l’autel. Il regarda le Christ droit dans les yeux. L’entretien sans
paroles dura quelques minutes. Le bailli se redressa de son agenouillement et
fit le signe de la croix. Ce fut au milieu de ce geste, alors qu’il effleurait
son épaule gauche, qu’il toucha l’énorme chambourche pesteux qui venait d’y
surgir. C’était le bubon que tous les habitants de Manosque appréhendaient tant
de sentir sous leurs doigts.
    Maître
Guillaume de Venteyrol mourut ainsi aux pieds du Christ. On ne sut jamais si de
son dernier acte sur cette terre, il avait obtenu d’être absous.
    Le
Poverello était en train de croquer à larges traits les deux tas d’Hospitaliers
morts de la peste et qu’on avait déposés de part et d’autre du pont-levis. Les
robes à croix pattée luisaient sous la lune.
    Lombroso
travaillait dans l’enthousiasme. Il se demandait si la coupole de San Andréa
serait assez vaste pour contenir une telle danse des morts. La lueur tremblante
des flambeaux qui animait soudain les branches dénudées des ormeaux tira son
regard vers la

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