Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
journal de l’Opéra et était devenu le partenaire de Clio. Elle s'était d’abord montrée récalcitrante puis avait fini par lui donner sa chance. Une sorte d’amitié était née entre eux, souvent mise à l’épreuve par le caractère solitaire de Clio.
En sortant, Morgan regarda le ciel. Il pleuvait toujours autant et il courut pour prendre le taxi qui le conduirait jusqu'à la gare. Avec un peu de chance, il serait de retour dans l’après-midi.
À l’autre bout de Paris, au bar « Le Mondial », une jeune femme portait une tasse de café à ses lèvres bien qu’elle n’aimât pas cette boisson. Elle n’avait pas eu le choix, le patron n’étant pas encore revenu avec les courses ; le barman lui avait annoncé qu’il ne restait que du café. Résignée, elle avait accepté qu’on lui serve cette horreur qui, pourtant, était l’un des meilleurs du Tout-Paris.
Ajoutant un nuage de lait et deux sucres, elle était assise bien droite à l’une des tables du fond, un journal devant elle, sans se rendre compte des regards intéressés de certains clients. Ses cheveux châtain clair étaient tressés en une longue natte qui lui tombait au creux des reins ; son teint pâle avait gardé un petit quelque chose de soleil, prouvant qu’à la saison chaude sa peau devait être dorée. Sur son nez reposait une paire de lunettes qui ne masquait en rien la grandeur de ses yeux vert émeraude. Ceux-ci allaient d’un bout à l’autre de l'article du journal. Elle portait un épais pull en coton bleu océan et un jean noir qui dessinait la finesse de sa taille.
En refermant son journal, Clio consulta sa montre qui indiquait 9h00. Son rendez-vous était en retard de trente minutes et elle commençait à perdre patience.
Lorsqu’elle avait reçu cette lettre, deux semaines plus tôt, elle avait aussitôt pensé à une mauvaise plaisanterie mais, au fond d’elle, elle ne doutait pas de l’authenticité du courrier. Le soir venu, elle avait découvert sur son répondeur une voix qu’elle ne connaissait que trop bien, une voix qui avait marqué sa mémoire au fer rouge. Une décharge électrique lui avait traversé le corps. Sans savoir pourquoi, elle avait accepté ce rendez-vous ; la rencontre devait se dérouler dans un endroit public, cela la mettrait quelque peu à l’abri d’une attaque, il ne souhaitait certainement pas attirer l’attention sur lui.
— Souhaitez-vous un autre café ? interrogea le serveur en lui adressant un sourire.
Clio fut tentée de refuser mais la porte s’entrouvrit, lui rappelant douloureusement l’air glacial du mois de janvier.
— Oui, je vous remercie, avec un peu de lait et deux sucres.
Le garçon s’éloigna et revint quelques minutes plus tard, déposant ledit café devant elle, en murmurant avec un sourire timide un vague « offert par la maison ». Avant que Clio ait le temps de refuser, il était déjà retourné derrière le comptoir pour servir d'autres clients. Avec un soupir de résignation, elle regarda l'heure. N'espérant plus voir venir son rendez-vous, elle s'intéressa de nouveau à sa tasse pleine et but quelques gorgées...
Soudain, elle l’aperçut.
Son cœur fit un bond dans sa poitrine et, lorsque leurs yeux se croisèrent, elle ne put retenir un frisson en constatant que ses iris étaient toujours aussi glaciaux que dans son souvenir.
Voyant l’homme s’asseoir aux côtés de Clio, le serveur revint prendre la nouvelle commande, sans l’ombre d’un sourire et avec déception.
— Un café noir.
L’inconnu se contenta de fixer Clio sans mot dire, laquelle ne brisa pas non plus le silence en dépit de la curiosité qui la dévorait. Le serveur apporta le café et le nouvel arrivant y trempa les lèvres.
— Médiocre, les Français sont décidément incapables de faire un bon café. En revanche, ma chère, les Italiens vous en préparent de si délicieux qu’ils réveilleraient un mort si vous le déposiez sous son nez.
— Je ne pense pas que vous m’ayez demandé de venir vous retrouver pour parler de café, dit Clio avec une pointe d’ironie. Me tromperais-je ?
— Ma douce amie, j’espérais apporter un sourire sur vos fines lèvres.
— Si vous souhaitez que cette conversation continue, je vous prie d’aller droit au but, Remus Abberline.
Il plongea ses yeux métalliques dans ceux de Clio, frémissants. Celle-ci remarqua une lueur d’agacement qui eut le don de l’irriter.
Alors qu’elle se préparait
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