Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
sont généralement
appelées principe de Relativité d’Einstein. On en déduit alors aisément
la formule de Lorentz.
Or, le postulat d’Einstein sur la lumière est à la fois
inutile et surtout nuisible à la bonne compréhension des résultats relativistes
auxquelles conduit la transformation de Lorentz. Lorsqu’on commence l’étude de
la Relativité, on ressent un malaise profond en constatant que les propriétés
de l’espace et du temps dépendraient d’un phénomène tel que la lumière. Même
lorsque la lumière n’est pas présente dans un lieu quelconque, elle imposerait
certaines propriétés à l’espace et au temps ? Pourquoi la mécanique des
particules à vitesse très rapide, ou tout autre phénomène physique sans rapport
avec la lumière, serait-il tributaire d’un phénomène lumineux ?
Dès 1910, des chercheurs vont critiquer la découverte de la
formule de Lorentz obtenue en partant de l’électromagnétisme. Ils vont
rapidement faire d’autres démonstrations plus satisfaisantes. Cependant, toute
sa vie durant, Einstein restera sourd à ces critiques. Et dans son Autoportrait, il récite de nouveau son credo relatif à ses deux postulats.
Reprenons les critiques faites par Jean-Marc Lévy-Leblond
dans son ouvrage Aux contraires [Lé1] :
La principale critique que l’on peut lui [Einstein] adresser
est d’établir ce que nous avons appelé une « super-loi », appelée à
régir tous les phénomènes physiques en définissant leur cadre
spatio-temporel commun, à partir des propriétés d’un agent physique particulier :
comment comprendre, dans une telle perspective, que la relativité einsteinienne,
fondée sur l’analyse de la seule propagation de la lumière, ait vocation à s’appliquer
aux interactions nucléaires, de nature pourtant essentiellement différente – et
y soit effectivement valide ?
Une Relativité restreinte guérie de l’électromagnétisme
L’idée de faire découler la démonstration de la transformation
de Lorentz du principe de relativité, assorti d’autres postulats portant
uniquement sur l’espace et le temps, semble avoir été proposée pour la première
fois en 1910 par Woldemar Ignatowsky [Igl]. Il aboutit ainsi à l’idée qu’en s’appuyant
sur le principe de relativité, on peut se rendre compte qu’il existe une constante
universelle d’espace-temps, alors qu’Einstein en postule l’existence
parallèlement au principe de relativité. La démonstration pour obtenir la
transformation de Lorentz souffre d’imprécisions mais l’idée est lancée.
Puis, P. Frank et H. Rothe reprennent le même exercice en
1911, et ils sont les premiers à traduire le principe de relativité par une loi
de groupe qu’ils exploitent complètement. Mais, ainsi que le dit J. -P, Lecardonnel
dans sa thèse [Le1] soutenue en 1980 :
La démonstration de Frank et Rothe est particulièrement
rebutante ; les auteurs ont besoin d’écrire environ 150 équations pour
aboutir à la transformation de Lorentz.
Finalement la démonstration ne semble pas très convaincante.
Les travaux mentionnés ci-dessus, ainsi que quelques autres de la même époque, passent
complètement inaperçus. Il faut attendre le travail de V. Lalan [La1] en 1937, qui
ignore semble-t-il les recherches précédentes, pour obtenir la première démonstration
complète où tous les postulats de base soient clairement explicités. L’auteur
tire habilement partie des propriétés des groupes continus pour obtenir tous
les groupes de transformation compatibles avec l’hypothèse d’homogénéité de l’espace-temps.
De nombreuses autres démonstrations de la transformation de
Lorentz suivront en utilisant la théorie des groupes. De tous ces auteurs, seul
Jean-Marc Lévy-Leblond justifie cette structure. Les autres semblent considérer
qu’elle va de soi, peut-être parce que Poincaré l’énonce comme une évidence.
Remarquons que, jusqu’à présent, les manuels d’enseignement
n’ont pas fait d’effort pour présenter la Relativité restreinte sous une forme
indépendante de l’électromagnétisme. C’est ce que regrette J. -M. Lévy-Leblond
dans son article [Lé2] de janvier 1999 paru dans La Recherche :
[…] l’inutile et depuis longtemps caduc « second
postulat » (celui de l’invariance de la vitesse de la lumière) garde
encore une place de choix dans les exposés. La notion de rapidité qui
éclaire considérablement la combinaison des
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