Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
d’espérer mieux comprendre un jour la relation entre le temps et l’entropie.
Le concept de température a en effet été ramené à la notion d’énergie des particules
qui constituent le corps dont on mesure la température. Comme ces énergies ne
sont pas les mêmes pour toutes les particules, elles se répartissent
statistiquement, et l’on définit l’entropie à partir de cette notion de
probabilité de répartition des énergies. La température d’un corps est alors
simplement le rapport entre une petite variation d’énergie interne d’un corps
et une petite variation d’entropie, à volume et nombre de particules constants.
En d’autres termes, c’est la dérivée partielle de l’énergie interne par rapport
à l’entropie. On ramène ainsi la notion de température à des concepts plus
fondamentaux et précis. Réussira-t-on pour le temps à faire de même ?
Nous pouvons penser que la flèche psychologique du temps est
déterminée, à l’intérieur de notre cerveau, par la flèche thermodynamique. Nous
pouvons nous souvenir des choses – c’est par le souvenir que nous sentons
passer le temps – dans un ordre qui verra croître l’entropie. Selon Stephen Hawking
[Hal] cela rend trivial le second principe de la thermodynamique qui nous dit
que l’entropie va toujours croissante :
Le désordre croît avec le temps parce que nous mesurons
le temps dans la direction où le désordre s’accroît. Vous ne pouvez rêver
meilleur pari !
L’espace-temps de la Relativité restreinte n’intègre
évidemment pas cette propriété d’une direction privilégiée du temps. Cet
espace-temps est en effet un cadre vide, abstrait, qui est en quelque sorte un
nouvel absolu alors qu’il avait pour but de dissoudre les absolus de l’espace
et du temps newtoniens.
L’espace-temps n’est-il qu’une fiction ?
C’est Einstein, aidé par beaucoup d’autres, qui va intégrer
la matière dans l’espace-temps, ou plus exactement réaliser une théorie du
cadre lui-même, l’espace-temps riemannien, en relation très étroite avec son
contenu matériel. Il crée ainsi la Relativité générale, appelée actuellement
gravitation relativiste.
Dans cette théorie, les lois physiques doivent être
invariantes lors de déformations de l’espace-temps qui déplacent tous les
points de manière arbitraire. Cette propriété est dite de covariance. Cette
covariance s’exprime donc indépendamment d’un espace-temps particulier.
Or, dans l’interprétation traditionnelle de la Relativité
générale, la gravitation est identifiée à la géométrie. Il en résulte que la
covariance permet finalement d’exprimer la théorie relativiste en se passant de
l’hypothèse de l’existence de l’espace-temps, récusant ainsi la réalité de la
géométrie. Seules les valeurs des champs physiques ont une réalité [Lai].
Selon une conception inspirée par le physicien et philosophe
Ernst Mach, l’espace-temps ne serait qu’un intermédiaire commode mais non
essentiel pour repérer les valeurs des champs. Celles-ci sont les véritables
grandeurs physiques d’entités possédant une existence réelle. De ce point de
vue, la localisation d’un phénomène ne peut être que relationnelle, c’est-à-dire
ne peut s’exprimer que par rapport à d’autres événements mais non par rapport à
une structure géométrique quelconque.
D’autres théories sont apparues au cours du XX e siècle. C’est la mécanique ondulatoire, appelée mécanique quantique par la
suite, qui, fondée par Louis de Broglie en 1924, est devenue la théorie fondamentale
de la physique. La mécanique quantique permet d’appréhender la structure microscopique
de la matière et de décrire tous les phénomènes physiques fondamentaux en
termes quantiques [H12]. Cependant, elle n’apporte rien de nouveau en ce qui
concerne le temps, le considérant comme une variable classique. Il en est de
même lorsqu’elle intègre la Relativité restreinte, aboutissant à la fameuse
équation de Dirac.
De multiples théories, mêlant mécanique quantique et
gravitation, essaient de nos jours de construire une physique fondamentale « destinée
d’avance à n’être jamais achevée » ainsi que l’écrivait Henri Poincaré à
propos de la science en général.
Le temps, dont la Relativité restreinte a dévoilé l’un de
ses secrets, reste toujours une énigme.
Bibliographie
[Aul] Auffray Jean-Paul,
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