Complots et cabales
vergogne.
Mais à la vérité, la mission qu'il accomplissait là le poignait beaucoup, et il avait h‚te d'en finir.
La messe terminée, ce fut dans la grand-salle du logis et en présence de l'aumônier et de l'exempt Desprez qui commandait les archers, que Marillac remit à La Ville-auxClercs le coffret des sceaux et l'unique clef qui l'ouvrait.
Un long voyage commença ensuite, qui mena Marillac à la parfin à Ch‚teaudun o˘ il fut resserré au ch‚teau, et surveillé jour et nuit par les archers en armes, même - ce qui l'humilia beaucoup - quand il faisait ses besoins.
Tout était à ses frais, y compris la nourriture de ses geôliers. Or, n'étant plus garde des sceaux, ni conseiller du roi, il ne touchait plus ses gages. En peu de temps il épuisa son maigre pécule, et se trouva contraint d'emprunter de prime sur sa maison de Paris, et ensuite de la vendre. Pour donner quelque sens à sa vie, Monsieur de Marillac s'attacha à
une traduction des Psaumes. Mais cet effort fut vain. Deux petites années s'écoulèrent, et en 1632 il mourut, et davantage, dit son aumônier, de sa disgr‚ce que d'une quelconque intempérie.
Plaise à toi, lecteur, de me permettre de revenir àVersailles: le Conseil, sur la suggestion du roi, nomma Monsieur de Ch‚teauneuf garde des sceaux, et Monsieur Nicolas Le Jay, premier président du Parlement de Paris. L'un et l'autre étant de ses amis, Richelieu d'ores en avant était bien gardé à
carreau. Dès que la session fut close, je regagnai Paris et mon hôtel des Bourbons o˘ je trouvai Catherine fort déquiétée de ma longue absence. Elle me posa question sur question sur Monsieur de Marillac, mais je ne pus lui répondre que quelques jours plus tard quand j'eus encontré La Ville-auxClercs, lequel était encore tout remué par la mission qu'il avait d˚
remplir. Mais bien entendu,
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n'ayant pas le don de prescience, je ne pus alors .conter àCatherine la mort de Marillac, laquelle ne le frappa, comme on sait, que deux ans plus tard.
- M'ami, dit Catherine, n'e˚t-on pu vous donner à vous la même ingrate mission que celle de La Ville-aux-Clercs ?
- En aucune façon, m'amie. Marillac étant secrétaire d'…tat, il fallait un secrétaire d'…tat pour faire part à l'infortuné de sa disgr‚ce. On ne me choisirait, moi, pour une telle ambassade que s'il s'agissait d'un duc.
Et que vous serait-il arrivé, si Richelieu avait été jeté
bas ?
- ¿ mon sentiment, peu de choses. Dans notre monarchie, on n'incrimine pas les serviteurs d'un prince, on estime qu'ils n'ont fait que leur devoir, qui était d'obéir à leur maître. Je pense, cependant, que dans les premiers temps il e˚t mieux valu, pour prévenir le coup de poignard d'un fanatique, demeurer avec vous, loin de la Cour, dans notre domaine d'Orbieu.
- Et j'en eusse été fort aise ! s'écria Catherine. Toutes ces pimpésouées de cour ne pensent qu'à clabauder des unes des autres et de soi, et quand elles ne clabaudent pas, elles jettent leurs hameçons qui-ci qui-là pour attraper les hautsde-chausses qui passent à leur portée.
- M'amie, à qui pensez-vous en disant cela avec tant d'‚creté ?
- Mais à qui, sinon à la princesse de Conti, dont vous êtes si raffolé !
- Mais je n'en suis point raffolé du tout!
- Néanmoins, à Nemours, en pleine place publique, vous avez souffert que cette dévergognée ôt‚t en public son vertugadin pour monter en croupe derrière vous.
- M'amie, pouvais-je refuser ? La princesse de Conti est ma demi-sueur.
- Encore heureux que l'inceste vous sépare ! Sans cela, il y aurait belle heurette que l'impudente vous aurait dévoré tout cru !
- Et j'eusse été si passif que de me laisser dévorer ?
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- Chi potrebbe dirlo 1 ? dit Catherine.
- Madame, comme dirait le roi : vous êtes duchesse en ce pays, parlez donc français.
- Pauvre Marillac ! dit Catherine en passant du coq àl'‚ne. tre monté si haut et tomber ce jour d'hui si bas.
- M'amie, ramentez-vous de gr‚ce que Marillac a fait tout le mal possible à
Richelieu en étant la tête pensante de la cabale, et qu'il aurait vassalisé
la France à l'Espagne, s'il l'avait emporté.
- C'est vrai, et cependant je le plains. Et en même temps, je veux mal de mort à ces archidévots qui, comme lui, ne pensent qu'à éradiquer par le fer et le feu les protestants qui vivent parmi nous. Mais par-dessus tout, chez Marillac, ce qui me laisse béante, c'est le manque de finesse dont il a
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