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Complots et cabales

Complots et cabales

Titel: Complots et cabales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cette vérité-là.
    Avant son partement pour Versailles, Marillac passa chez lui pour trousser quelque bagage et prendre les sceaux. Je tiens de son aumônier qui me le conta plus tard, les larmes aux yeux, qu'avant de mettre dans son bagage le coffret qui contenait les sceaux, Marillac l'ouvrit et contempla longuement son contenu, comme si, étant appelé à être ministre principal, il n'allait plus avoir à les porter. Ils étaient là, tous les quatre : le grand sceau royal et son contre-sceau, le sceau du dauphin et son contre-sceau. Il est vrai que le dauphin n'était pas né encore, mais ses deux sceaux l'attendaient déjà, inséparables de ceux de son père.
    De ce coffret, le garde des sceaux détenait seul l'unique clef, laquelle, selon l'usage, il portait, sans jamais l'ôter, attachée à son cou par une chaîne en or. Cette clef était aussi importante pour le garde des sceaux que crosse et mitre pour un évêque : elle exprimait à la fois sa fonction et sa dignité.
    De reste, si le mot dignité convenait à un officier du roi, c'était certes à Monsieur de Marillac. Grand, maigre, vêtu de noir, l'oeil creux et brillant, le nez aquilin, les lèvres minces,
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    le menton long, le geste rare, il gardait en toutes occasions une apparence olympienne et s'exprimait d'une voix péremptoire, comme s'il craignait peu de se tromper, sa longue et profonde dévotion l'ayant rapproché des lumières divines.
    Il habitait en Paris rue de Tournon, et je fus chez lui deux ou trois fois au moment o˘ Marillac et Richelieu essayaient - sans grand succès - de s'accommoder l'un à l'autre. Son hôtel n'était ni spacieux, ni bien chauffé, ni bien meublé. Il me parut aussi que son domestique se réduisait au minimum : un aumônier, un cocher, un cuisinier, et deux valets. Pas l'ombre d'une chambrière, et on entend bien pourquoi... Pourtant, bien que Monsieur de Marillac estim‚t que la chair n'était que vile occasion de péché, et le corps, une guenille, dont tout bon chrétien devait aspirer à
    être débarrassé pour libérer enfin une ‚me immortelle et pure, il n'était pas aussi rebelute aux charmes du gentil sesso qu'on e˚t pu s'y attendre : il s'était marié, et devenu veuf, il s'était remarié.
    Le petit train de sa maison avait fait dire à nos coquebins et pimpésouées de cour, qui se veulent toujours bien renseignés sur tout, que Marillac était chiche-face et pleure-pain. Il serait plus équitable de dire que le boursicot de Marillac était quelque peu maigrelet. Ministre intègre, ses fonctions ne l'avaient pas enrichi. Et marié deux fois à des femmes sans grande fortune, il n'avait à la parfin pour vivre que ses gages de secrétaire d'…tat et de conseiller du roi. Même en les cumulant, ce n'étaient point là des pécunes bien grasses. Or, ce qui n'était pour les autres secrétaires d'…tat qu'un appoint se trouvait être pour Marillac l'essentiel de son revenu. Point de grand domaine, ni de vignes, ni de maison des champs. Il ne possédait en propre que son hôtel de la rue de Tournon.
    Grande était la froidure en cette soirée de novembre 1630. Déjà dans la rue, devant la porte de Monsieur de Marillac, l'attendaient, pour une longuissime trotte par les chemins glacés jusqu'à Versailles, carrosse, cocher et chevaux. Et
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    Marillac, avant de sortir, enfilait déjà ses gros gants fourrés quand on toqua l'huis, ce qui, vu l'heure tardive, l'étonna. Il fit signe néanmoins au valet de déclore l'huis, et apparut alors son confrère, le secrétaire d'…tat Monsieur de La Villeaux-Clercs qui, sur le seuil, demanda courtoisement s'il pouvait entrer. Béant d'une visite si tardive et si inattendue, Monsieur de Marillac acquiesça. La Ville-aux-Clercs entra, et d'après le conte qu'il m'en fit plus tard, il se serait alors voulu à mille lieues de là.
    - Monsieur, dit-il, essayant d'affermir sa voix, le roi m'a chargé de vous remettre cette lettre en main propre.
    Il tendit ladite missive à Marillac, aussi vivement que si elle lui br˚lait les doigts. Agité de ces pressentiments qui après-coup seulement deviennent vrais ou faux, Marillac ouvrit le pli, les mains tremblantes. Il y lit ce qui suit
    " Monsieur,
    " Vous vous rendrez, dès le reçu de cette lettre, àGlatigny, accompagné par Monsieur de La Villeaux-Clercs qui vous montrera le gîte qui vous attend et vous donnera aux m‚tines de nouvelles instructions.
    Louis "
    - Monsieur, dit Marillac, dès que sa voix

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