Complots et cabales
mérangeoises. Pour dire le vrai, d'après ce qu'on m'a conté sur lui, c'était un homme simple, et même un peu simplet. Il n'avait que deux passions dans sa vie : il aimait les joutes, lesquelles, comme on sait, lui 354
furent fatales, et il aimait aussi les tétins de Diane de Poitiers.
S'asseyant sur ses genoux - ce qui était grand poids pour la pauvrette -, il lui pouitrait et pastissait sans fin lesdits tétins disant, ce faisant, à son chancelier : "Voyez, Monsieur le Chancelier, n'a-t-elle pas belle garde ?
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Ce roi adultère était très pieux. Il persécutait les protestants, mais en même temps il s'alliait aux princes luthériens d'Allemagne contre Charles quint. Et quand les princes lui proposèrent d'occuper les trois évêchés, il finit par entendre que par là il fortifiait notre frontière de l'est contre la Lorraine et l'Empereur. C'est du moins ce que lui expliqua son épouse, Catherine de Médicis, la seule en cette famille qui e˚t la tête politique.
Henri IV, comme toujours bien inspiré, fortifia cette mainmise sur les trois évêchés, et Louis XIII imagina de rendre encore plus infranchissable sa frontière de l'est en confiant àRichelieu le soin de fortifier Verdun.
La haine du duc de Lorraine contre la France s'accrut d'autant. Mais ne pouvant ouvertement l'attaquer, il lui fit, comme on a vu, une petite guerre trouble et sournoise par le soutien qu'il apporta aux folles équipées de Gaston contre son frère.
Une fois la cabale à terre, il fallut mettre la Lorraine àraison, et le roi, sans coup férir, l'envahit.
Je fus de cette expédition pour la raison que le duc, qui parlait français comme vous et moi, affectait, en présence de Louis, de ne parler qu'allemand. Mais cette puérile comédie ne dura pas. Le duc finit par entendre que mon truchement pour passer de l'allemand en français et du français en allemand ralentissait prou la négociation, alors qu'il était si pressé de nous voir départir de son …tat.
Cependant, nous y demeur‚mes plus que nous eussions voulu. Voici pourquoi.
Avant que de quitter Paris, Louis avait, sur la suggestion de Richelieu, créé une juridiction extraordinaire destinée à instruire les crimes contre l'…tat. Cette juridiction, qu'il appela Chambre de l'Arsenal, hérissa prou le poil de nos parlementaires qui se voyaient enlever le monopole de la justice.
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Ils entendirent bien que les longueurs et les atermoiements du procès du maréchal de Marillac leur valaient cette écorne, le roi désirant pour les criminels d'…tat une justice prompte et exemplaire.
Or, après le partement du roi pour la Lorraine, le Parlement, toujours soucieux de défendre ses droits et même de les accroître, en outre enhardi par l'absence du souverain, fit défense à la Chambre de l'Arsenal de se réunir... quand il ouÔt cet abus d'autorité, Louis fut béant de l'arrogance des parlementaires et entra dans une de ces colères froides que son entourage redoutait : u qu'est cela ? dit-il entre ses dents. qu'est cela ?
Mon Parlement me fait une écorne ? "
La décision comme toujours fut prompte : il dépêcha àParis sous forte escorte un maréchal et le garde des sceaux, et somma les parlementaires de le venir rejoindre à Metz dans leurs propres carrosses.
Belle lectrice, ne vous y trompez pas : ce voyage en lui-même était déjà
une punition. De prime, parce qu'il devait se faire en un décembre froidureux par des routes glacées et pis que cela, tout y était aux frais des voyageurs
gîtes aux étapes, repas, foin et écuries pour leurs chevaux. Or, le roi n'ignorait pas que nos magistrats, grands pleurepain et chiche-face, aimaient mieux refermer les mains sur les écus des plaignants que les ouvrir pour leur propre dépense.
Arrivés un peu moins riches et tout à fait fourbus à Metz, les parlementaires s'y logèrent comme ils purent, et le roi les fit attendre encore vingt jours avant de leur donner audience. Il les reçut enfin, et ce fut pour leur rabattre le poil d'une manière impérieuse et imagée, qui rappelait en tous points les truculences de son père.
- Messieurs, dit-il, je ne veux plus écouter vos remontrances et ne veux plus souffrir que vous vous mêliez des affaires qui regardent mon service.
Cet …tat est monarchique. Toutes choses y dépendent de la volonté du prince qui établit les juges comme il lui plaît. Je ne veux pas que vous entrepreniez contre l'autorité royale. Vous n'êtes établis 356
que
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