Complots et cabales
à ceux qui n'en avaient pas et des travailleurs à ceux qui en cherchaient. Là aussi, il apprit beaucoup de choses sur beaucoup de sujets et de gens, tant 361
est qu'il eut l'idée de publier ce qu'il avait appris dans une Gazette qu'il fit imprimer à ses frais, qui parut une fois par semaine et dont le succès fut immense.
Or, nul en France ne s'y intéressa davantage, et dès le premier jour, je dirais même plus avivement, que Richelieu et le roi, lesquels ne crurent pas déchoir en écrivant des articles à paraître dans ladite Gazette, le roi narrant avec sa précision coutumière, et dans un style à vrai dire un peu abrupt, les opérations militaires qu'il avait dirigées, et le cardinal, dans son style élégant et latin, se réservant la politique et la diplomatie. C'en était bien fini des textes polémiques, injurieux et vulgaires qu'on hurlait sur le Pont-Neuf. La Gazette disait tout, ou a tout le moins, tout ce que le roi et son ministre voulussent que l'on s˚t. Ah lecteur! vous n'êtes pas sans vous apercevoir que l'…tat était meshui devenu véritablement <
monarchique
> en absorbant d'un seul coup de glotte le pouvoir naissant et puissant qui e˚t pu s'opposer à lui : la presse.
- Hélas, il y a encore un autre grand pouvoir, dit Fogacer : les Grands, et cette force-là dans le passé a fort bien réussi contre Henri III.
- Les choses sont différentes. Henri III, certes, avait beaucoup d'esprit.
Mais il avait tant prodigué les pécunes du Trésor à son entourage et à ses favoris qu'il ne put jamais former une véritable armée, ni l'exercer, ni en devenir le chef. Croyez-vous qu'une ligue armée de grands seigneurs puisse ce jour d'hui avoir l'ombre d'une chance contre le roisoldat, ses excellents maréchaux, ses fortes armées et l'émerveillable intendance de Richelieu ?
- Assurément non, dit Fogacer, mais d'aucuns de ces Grands sont de grands fols et je crains qu'en leur peu de jugeote ils ne croient la chose possible.
Là-dessus il ne se trompait pas. Gaston songeait en effet àorganiser cette force. Réfugié aux Pays-Bas espagnols après la rapide défaite de la Lorraine - expérience qui ne lui avait rien appris -, il conçut le projet de fomenter une rébellion des Grands en France contre son frère. Il n'ignorait pas que
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les Grands détestaient, en effet, Richelieu et le roi : depuis six ans déjà, avec l'agrément du roi, le cardinal s'attachait àdémanteler les tours de leurs ch‚teaux, à combler leurs fossés, à abattre leurs ponts, à raser leurs murailles, le but étant qu'aucun seigneur révolté ne p˚t résister plus d'une heure à une armée royale.
D'aucuns, et des plus grands, avaient p‚ti bien plus. Le duc de Montmorency descendant de deux connétables, dont chacun avait été le bras armé de son roi, se vit enlever par Richelieu, comme on l'a vu, son titre d'amiral de France et les fonctions qui y étaient attachées. qui pis y est, on lui retira le droit d'épave qui lui rapportait, bon an mal an, une fortune que Richelieu préférait voir tomber dans le Trésor du roi. Toutefois, Richelieu, en devenant le grand maître de la marine, noulut accepter les énormes émoluments qui y étaient attachés. Il ajouta donc, gratis pro Deo, cette t‚che de plus à son immense besogne quotidienne en s'attachant àconstruire une marine de guerre qui f˚t digne d'un grand royaume. Une telle façon de penser et d'agir était étrangère àMontmorency comme aux Grands : l'intérêt personnel d'un grand féodal passait toujours à ses yeux avant celui du royaume.
je vous laisse à penser, lecteur, si après cela Montmorency aimait le cardinal. En outre, son épouse, qui était par ailleurs une petite personne fort charmante qui adorait la po~ ∞.c, se trouvait être parente des Médicis et par voie de cons(_,.1uence, encore que la conséquence f˚t sotte, elle haÔssait Richelieu et, adorant son mari, elle le poussait de toutes s,.s forces dans les voies qui devaient lui être fatales.
Par la géographie autant que par les sentimeilLs et les ressentiments, le duc de Guise, gouverneur de la Provence, était fort proche de Montmorency, gouverneur du Languedoc. Et Gaston le savait bien qui prit langue avec l'un et l'autre par l'intermédiaire de l'abbé d'Elbène en leur confiant qu'il allait de nouveau pénétrer en France avec une armée. Il leur demanda de soulever, simultanément, contre l'autorité royale, leurs provinces respectives.
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Gaston qui
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