Complots et cabales
connaissait la reine-mère de longue date, ayant retracé sa vie dans vingt-quatre toiles admirables qui ornent une des ailes du Palais du Luxembourg.
< En France, la question se posa deux fois de savoir si on devait mettre fin à son exil et l'autoriser à revenir en ses lares domestiques. Une première fois par le père Gaussin, en 1637, qui le suggéra au roi, mais le roi s'y refusa. Elle était devenue, dit-il, tout Espagnole, et étant par ailleurs trop obstinée pour changer d'opinion, elle reprendrait ses brouilleries.
"En 1639, de nouveau pressé par son confesseur, le roi 351
demanda leur avis par écrit à ses ministres sur le retour de la reine-mère.
Ils furent unanimes à estimer qu'il n'était pas souhaitable. La reine-mère mourut le trois juillet 1642 dans la maison prêtée par Rubens. Elle y était fort seule, Rubens l'ayant précédée dans la mort, et ses conseillers, depuis belle heurette, l'ayant abandonnée comme les rats qui quittent un navire dont ils savent qu'il va couler.
CHAPITRE XV
La reine-mère s'exilant de son propre chef hors de France, la cabale qu'elle avait animée étant d'ores en avant rompue et dispersée, Louis voulut montrer urbi et orbi en quelle grandissime estime il tenait le ministre qui, au milieu de tant de vicissitudes, l'avait si bien servi : il érigea en duché-pairie la terre patrimoniale du cardinal de Richelieu.
Le cardinal-duc prêta serment le cinq décembre 1631 devant ses pairs, dont j'étais. Il va sans dire que cette élévation du cardinal à ce haut degré de noblesse provoqua de féroces grincements de dents chez nombre d'assistants.
Le roi, pour le moment du moins, avait vaincu la cabale, mais les haines contre Richelieu flambaient toujours. Ni la reinemère ni Gaston n'avaient renoncé à détruire le ministre. Alliés à nos ennemis de l'extérieur, la reine-mère avec les Espagnols des Pays-Bas, Gaston avec le duc de Lorraine, ils entreprirent de fomenter une guerre civile en leur propre pays contre leur propre sang.
Cependant, gr‚ce à Richelieu et à ses rediseurs, Louis était fort bien renseigné sur leurs entreprises. C'est ainsi qu'il apprit que la reine-mère t‚chait de gagner à sa cause les places de notre frontière du nord, comme elle avait déjà t‚ché de le faire pour La Capelle. Il envoya aussitôt une armée en Champagne, et apprenant d'autre part que le gouverneur de Calais, Monsieur de Valençay, était prêt à
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livrer sa ville à la reine-mère, il accourut à brides avalées àla tête d'une armée, renvoya Valençay dans ses terres et le remplaça par Monsieur de Chaumont. Il poussa alors, à ce qu'on m'a dit, un grand soupir de soulagement: Calais aux mains de la reine-mère, cela e˚t voulu dire que les Espagnols du Pays-Bas auraient eu, en leurs mains, une des clefs qui leur e˚t permis d'entrer en France quand ils voudraient.
Louis se tourna ensuite contre son ennemi déclaré, le duc de Lorraine, ami et allié de Gaston en tout ce que Gaston avait entrepris jusque-là contre son frère.
Le duc de Lorraine - comme en Italie le duc de Savoie -appartenait à cette insatiable et insufférable espèce de roitelets, ou comme disait le populaire, de "
petits reyets de merde
>, qui, régnant sur un duché grand comme une province, ne rêvaient que de se tailler un royaume aux dépens de leurs voisins. Charles IV de Lorraine, lui, e˚t voulu annexer Bar et le Barrois pour ce que, d'après une généalogie douteuse, il revenait à son épouse Nicole. Par malheur, le Barrois était un fief de la couronne de France, et ladite couronne ne cédait pas facilement ses fiefs à ses voisins.
Derrière ce grief de Charles IV s'en cachait un autre : il trouvait scandaleux que les Français occupassent encore les trois évêchés de langue française : Metz, Toul et Verdun. ¿ vrai dire, cette occupation remontait à
Henri II, sans qu'on p˚t dire qu'il e˚t conquis ces villes. La réalité
était toute différente : les princes luthériens d'Allemagne l'avaient appelé à les occuper, afin d'empêcher précisément le duc de Lorraine de s'en emparer, ce qui l'e˚t renforcé prou, les trois villes étant riches, tenant de grosses foires et prospérant dans un fructueux commerce avec l'est.
Henri II hésita de prime : il n'avait pas la tête politique. D'aucuns méchants prétendaient même sotto voce qu'il n'avait pas de tête du tout, et que, lorsqu'il penchait le front, ce n'était jamais sous le poids de ses
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