Complots et cabales
est le suivant. Elle écrit une lettre à Louis. qu'eussiez-vous dit en cette missive si vous aviez été à sa place ? Oyez-moi bien : vous vous mettez à
sa place, mais vous écrivez selon votre caractère, et non selon le sien.
- Ciel, Monsieur! quelle t‚che difficile! que si j'échoue, jugez-moi avec indulgence. C'est la première et la dernière fois de ma vie que j'incarnerai une reine-mère.
- Faites-le en n'écoutant que votre instinct.
- Eh bien, de prime, avant de tailler ma plume, je me serais répété en mon for ce mot d'Henri IV sur le miel et le tonneau de vinaigre. Ensuite, écrivant à mon "
fils ", je me ferais douce, tendre, maternelle et repentante. Je lui assurerais de prime que si j'ai quitté Compiègne, ce fut seulement en raison des mauvais souvenirs attachés à ma captivité. J'ai pensé alors que je trouverais, se peut, à La Capelle, des gentilshommes plus amicaux que les troupes qui m'entouraient. Mais arrivée à La Capelle et trouvant l'huis reclos, j'ai
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perdu la tête tout à plein, et j'ai couru me réfugier à.Avesnes, ce dont je me trouve meshui très malheureuse. Je demande pardon à Sa Majesté de m'être montrée avec Elle si opini‚tre sur le chapitre de Richelieu. Et que si mon fils voulait bien pardonner ma malheureuse équipée et me permettre de revenir à la Cour, je m'abstiendrais d'ores en avant de dire ou de faire quoi que ce soit à l'encontre du cardinal.
- Belle lectrice, vous êtes née quatre siècles trop tard ! Vous eussiez fait une reine-mère parfaite, et au reçu de votre lettre, le roi n'aurait pu faillir d'adoucir votre sort, non sans quelque défiance de prime, et quelques mises à l'épreuve ensuite. Hélas ! La véritable reine-mère a bien écrit une lettre au roi, mais sans du tout lui tendre, comme vous avez fait si joliment, un rameau d'olivier! Tout le rebours. Sa missive est violente, haineuse, vindicative et, qui pis est, g‚tée par deux impudents mensonges.
Permettez-moi de résumer cette mercuriale : Si je suis ce jour d'hui hors de France c'est la faute du cardinal. C'est lui qui m'a incitée àfinir.
(C'est pourtant le roi, et le roi seul, qui a retiré, à la prière de la mère, les troupes qui la gardaient.) C'est le cardinal qui a préparé le piège de La Capelle. (C'est bien pourtant le comte de Moret qui suborna François de hardes pour qu'il ouvrit à sa maîtresse la porte de La Capelle.) Continuons
c'est Richelieu qui par la prise de La Capelle (Richelieu n'a jamais pris La Capelle : elle s'est rendue d'elle-même à son propre gouverneur) l'a contrainte à passer la frontière, alors que c'est ce qu'elle craignait le plus. (Dans ce cas, pourquoi l'a-t-elle fait ?) Elle explique encore que, si elle a passé la frontière, c'est qu'elle était poursuivie par la cavalerie du roi. (Pure invention, il n'y avait pas de soldats du roi dans les parages, hors les mousquetaires, lesquels, quand elle passa devant La Capelle, dormaient paisiblement intra muros.) Conclusion de la lettre de la reine-mère : le cardinal veut bouter hors de France la mère et le fils.
Autre mensonge. Est-ce contraint et forcé par Richelieu que Gaston se réfugie répétitivement en Lorraine et la reine-mère, meshui, àBruxelles ?
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- En conclusion, Monsieur, qu'êtes-vous apensé de tout cela ?
- que la reine-mère, ayant perdu la guerre sur le terrain, t‚che puérilement de la gagner par une lettre-missive, laquelle elle rendra d'ailleurs publique. Ce qu'elle fait avec maladresse et mauvaise foi, et ce qui n'a pas la moindre chance non plus d'améliorer sa position. D'autre part, si ce sont ses conseillers qui lui ont dicté cette diatribe, ils n'ont pas beaucoup plus de jugeote qu'elle en a, et nous devons, par conséquent, nous attendre à d'autres initiatives tout aussi malavisées.
" Si la reine a rendu publique sa lettre de plaintes contre son fils, c'est qu'elle souhaite chimériquement que les royaumes ennemis de son fils vont épouser et appuyer sa cause. Et c'est pour se défendre contre ces fausses accusations publiques que la réponse du roi est, elle aussi, rendue publique. Elle est de reste écrite en termes très mesurés. Elle ménage la reine-mère. Elle ne l'accuse pas de mensonges. Elle s'étonne seulement que K ceux qui lui ont fait écrire cette lettre n'aient pas eu honte d'avancer des faits inexacts ".
" Par malheur, belle lectrice, la reine-mère souffre, comme bien vous savez, d'une incurable opini‚treté :
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